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Si le grand public connait Peter Weir pour ses films américains tels que Le Cercle des poètes disparus , The Truman Show ou Master and Commander , l’amateur éclairé se penchera plus volontiers sur ses réalisations australiennes telles que La Dernière Vague ou Pique-nique à Hanging Rock . Selon moi, Peter Weir est un cinéaste grandement sous-estimé au regard des chefs-d’œuvre qu’il a signés. Quand on aborde tout particulièrement ses premiers travaux tournés dans son Australie natale, on remarque sa facilité à utiliser le genre pour nous offrir un discours érudit sur l’organisation de nos sociétés. Si un film comme La Dernière Vague était une étude que l’on pourrait qualifier d’ethnographique de l’Australie, Le Plombier s’avère au final une fascinante analyse des rapports sociaux.

À l’instar du téléfilm Duel signé par Spielberg , Le Plombier démontre qu’un cinéaste talentueux peut sublimer les limites techniques extrêmement contraignantes du petit écran de la fin des années 70. En effet, Peter Weir accouche ici d’une œuvre qui n’a rien à envier qualitativement au cinéma. Ce téléfilm sera même diffusé en salles dans de nombreux pays à l’instar du thriller automobile du papa de E.T .

Ce long-métrage met en scène un plombier qui va petit à petit envahir le quotidien studieux d’une universitaire qui prépare sa thèse dans un appartement appartenant à la faculté où officie son mari. L’héroïne du film voit ainsi surgir un matin un ouvrier venu vérifier la tuyauterie. La salle de bain va devenir sous les coups de burin de l’artisan, un enchevêtrement de tuyaux qui va cristalliser la fracture sociale entre le plombier et la diplômée en ethnologie.

Peter Weir nous offre une œuvre originale qui flirte avec la comédie satirique, le thriller, mais également le film d’auteur.  Si l’on s’attend dans les premières minutes à un simple long-métrage d’horreur où le plombier agirait comme un psychopathe, nous nous rendons vite compte que nous avons affaire à un film où se joue la lutte des classes entre l’universitaire guindée et l’ouvrier. Un affrontement psychologique où l’intellectuelle bien-pensante regarde de haut les prolétaires comme s’ils se résumaient à de simples objets d’étude. Du côté du plombier, c’est la haine des possédants et des érudits qui semble pousse l’artisan à devenir de plus en plus odieux avec la femme dont il a cerné les fêlures psychologiques. 

Du point de vue visuel, Peter Weir arrive à dynamiser l’action malgré l’étroitesse du décor, grâce à l’usage du gros plan. Afin de dépeindre les relations conflictuelles entre le plombier et la maîtresse de maison, le réalisateur s’appuie sur une bande-son où se mêlent des percussions africaines rappelant l’objet d’étude de l’universitaire et des coups de marteau. Un capharnaüm sonore qui illustre le conflit entre les deux protagonistes principaux. Peter Weir nous offre ici un film passionnant, aussi bien dans son discours que dans sa forme, qui n’a rien à envier aux meilleurs thrillers domestiques. Une perle du cinéma australien qui démontre tout le talent du futur réalisateur du Cercle des poètes disparus .

Mad Will