Après avoir exploré la mémoire, la théorie des jeux ou le rêve, Christopher Nolan s’attaque à un nouveau thème à la fois fascinant intellectuellement et riche en potentialités visuelles : la recherche d’une exoplanète viable dans un autre univers. Avant de nous emmener dans l’espace, il nous immerge dans l’un des scénarios possibles pour le futur de la planète, une société où la nourriture devient le facteur limitant et où on encourage donc un maximum d’enfants à s’orienter non plus vers les services ou l’ingénierie mais vers la production céréalière. Les espèces végétales disparaissant les unes après les autres, l’air devient de plus en plus irrespirable et chacun sait que la génération qui vient de naître sera la dernière à survivre.

Malgré la propagande s’ingéniant à nier la réalité de l’aventure spatiale du XXè siècle (stratégie intergouvernementale destinée à motiver les êtres humains à prendre soin de leur planète au lieu de penser à la quitter), Joseph Cooper (Matthew McConaughey) est persuadé que l’Homme est un explorateur et doit miser sur la carte de la colonisation interstellaire. Optimiste, il a appelé sa fille Murphy (Mackenzie Foy puis Jessica Chastain), en référence à la célèbre loi éponyme signifiant non pas que le pire arrive toujours, mais que tout ce qui peut arriver arrivera. En secret, la NASA conçoit une mission ultime pour sauver l’humanité en lui permettant de s’établir sur l’une des planètes rendues accessibles par l’apparition d’un trou noir au niveau de Saturne. Parce qu’il est le dernier pilote de l’ancienne génération capable de piloter manuellement, il est désigné à la manœuvre du vaisseau. Alors que les autres membres ont été choisis parce qu’ils n’avaient aucune attache sur Terre, lui doit se séparer de sa famille, tout en sachant que le temps ne s’écoulera pas de la même manière pour lui dans l’espace et qu’il est fort possible que ses enfants soient plus âgés que lui quand il rentrera.

Pour cette mission visant la survie de l’espèce humaine au-delà des individus, la faille réside dans l’attachement des membres de l’équipe à leurs contemporains ou à eux-mêmes. Nombre des péripéties qui se succèdent une fois que la fine équipe d’élus est dans l’espace sont dus à cette interférence des sentiments humains avec les objectifs purement rationnels de leur mission. Nolan en joue habilement pour que le suspense reste entier jusqu’au bout. Son film s’attarde davantage sur les dilemmes qu’affrontent les personnages en huis clos que sur l’exploration, à grands coups d’effets spéciaux, des exoplanètes. En revanche, fidèle à sa passion pour l’imbrication des différentes réalités, il nous réserve comme clou de son spectacle un savoureux paradoxe temporel. Stimulant.

Florine Lebris