Auteur de près de cinquante films, apprécié en France après Gangs of Wasseypur sélectionné à Cannes en 2012, le réalisateur indien Anurag Kashyap continue sa carrière de cinéaste reconnu sur la scène internationale avec The Mumbai Murders qui nous plonge une nouvelle fois dans une société indienne violente et corrompue.

Cette fois le réalisateur s’empare de l’histoire d’un serial killer, Ramana (Nawazzudin Siddiqui) pour mettre en évidence la violence du policier Raghavan (Vicky Kaushal) qui sera finalement son double.

La violence, que Kashyap déteste, est celle des meurtres du serial killer, mais aussi celle de l’institution, et plus encore celle d’une société tout entière qui maltraite les êtres et en particulier les femmes. Kashyap nous montre des femmes lucides, courageuses et certainement plus équilibrées que les hommes qu’elles côtoient. Peut-être est-ce pour cette raison que les hommes cherchent autant à les humilier et les rabaisser ?

Le fait que Raghavan soit quasi impuissant devant Simmy, interprétée par Sobhita Dhulipala, Miss Inde 2013 et à ce titre symbole fantasmatique de plus d’un milliard d’individus, révèle la déchéance du policier.

Quoi qu’il en soit, ce film, très anxiogène par son propos, est magnifique par la précision de son scénario et la justesse de la mise en scène. Les acteurs sont d’une efficacité redoutable et on sort secoué par le contenu et l’esthétique des images. La ville de Mumbai fait presque office de personnage tant elle est filmée dans ce qu’elle a de plus sordide : le réalisateur ne nous épargne pas les bidonvilles, la misère, la crasse physique et morale. La scène où le meurtrier, pour échapper à ses poursuivants, se coule avec un plaisir pervers dans une retenue d’eau, sorte d’égout à ciel ouvert où surnagent toutes sortes d’immondices, symbolise tout le film. Cependant le réalisateur ne montre jamais des images directes des meurtres, tout est laissé à l’imagination du spectateur, ce qui rend l’image encore plus terrifiante.

À mille lieues de Bollywood, ce film réalisé par le producteur de The Lunch Box nous offre un cinéma indépendant et terriblement différent.

Laurent Schérer