Voilà un joli petit film qui réussit à saisir à la fois le plus quotidien et le plus essentiel, en montrant comment le plus essentiel est contenu dans le plus quotidien. Solitaire et surendetté, Sentaro travaille dur sans relâche et sans aucune étincelle d’espoir comme vendeur de dorayakis, pâtisseries japonaises fourrées pâte de haricots rouges. Depuis son passage en prison, il courbe la tête, éternel pénitent. Un jour, une vieille dame douce et rieuse, Tokue, le supplie de l’employer. Alors qu’il utilisait des bases alimentaires préfabriquées, elle l’initie à la confection d’une incomparablement plus savoureuse préparation maison. Son travail dénué de sens devient alors véritable artisanat, beaucoup plus demandeur en temps et en don de soi, mais aussi beaucoup plus gratifiant. Atteinte de la lèpre dans les années 50, Tokue a été mise en quarantaine à la fleur de l’âge. De cette réclusion subie, elle a tiré un farouche amour de la liberté, qui lui a appris à tirer satisfaction des petites joies accessibles même aux existences les plus misérables : regarder, écouter et respecter la beauté du monde. Sentaro et Tokue vont s’attacher l’un à l’autre, malgré la différence d’âge et en dépit de la méfiance initiale. A la faveur d’une confession sur magnétophone, l’un va pouvoir dévoiler ses sentiments et l’autre les recevoir sans que leur pudeur ne soit brusquée.

Naomi Kawase prend le temps de filmer l’application au travail, les silences, le passage des saisons, tout ce à quoi Sentaro apprend à devenir attentif. Comme les cerisiers refleurissent tous les printemps, elle montre comment la lumière peut renaître dans l’esprit le plus encombré à condition qu’un passeur lui apprenne à porter un regard bienveillant sur ce qui l’entoure et sur lui-même. Lumineux, dépourvu de nostalgie, porté par une bande originale cristalline, son film semble touché par la grâce. 

F.L.