Après deux ans de chômage qui lui ont fait connaître les souffrances de l’inactivité, Duval (François Cluzet) ne voit dans l’étrange proposition de travail de Clément (Denis Podalydès) qu’un cadre bienvenu. Recruté pour retranscrire des écoutes téléphoniques, il finit par se rendre compte que l’obscure mécanique régissant le réseau d’influence dont il n’est que le plus petit maillon pourrait facilement le broyer…

Thomas Kruithof réussit un premier film cohérent, tout entier tissé autour de la problématique du rapport de l’individu à la structure. Dans la première partie, le protagoniste, dont la sagesse existentielle consiste à « fixer un cadre et s’y tenir », tire des bienfaits psychologiques de l’effet structurant de son nouveau travail. Petit à petit pourtant, le film glisse dans les eaux troubles du thriller et il est amené à remettre en question sa soumission aveugle à des règles rigides… Les cadres resserrés de la caméra, qui symbolisent la sécurité psychique du personnage tout autant que l’étroitesse de son horizon, s’élargissent alors à mesure qu’il devient capable de cerner les enjeux pharaoniques de l’organisation à laquelle il appartient. Dans la dernière partie du film, ils cèdent la place à des plans larges plongeants, qui font de Duval le grain de sable humain David, parvenant à déstabiliser le système déshumanisé Goliath. A rebours du thriller politique réaliste, Thomas Kruithof nous offre moins des éclaircissements sur le fonctionnement réel des services secrets qu’il ne construit une fable intemporelle sur la structure et ses propriétés paradoxales. Le réalisateur montre bien qu’en tant qu’organe-obstacle, elle permet et limite à la fois, et qu’elle est gage d’épanouissement tout autant que menace d’aliénation.

F.L.