Pour donner plus de sens à son travail, Carole Matthieu (Isabelle Adjani) a quitté son cabinet de généraliste pour devenir médecin du travail dans une grande entreprise de vente par téléphone. Depuis sept années, elle absorbe la souffrance des autres et la recueille scrupuleusement dans l’espoir de faire éclater ce scandale humanitaire. Lorsqu’un employé, cassé par les techniques modernes de management, se suicide, l’entreprise est momentanément ébranlée...

Âpre immersion dans l’enfer moderne du travailleur précaire subissant non plus des conditions matérielles de travail difficiles mais une violence psychologique des plus sournoises, Carole Matthieu ne peut pas laisser indifférent. Adoptant le point de vue d’une médecin du travail, le film insiste sur la difficulté pour quiconque, soit-il travailleur social ou syndicaliste, de faire bouger les choses au sein d’une entreprise devenue élément négligeable au sein d’un système mondialisé. Il met également en lumière l’enjeu du langage dans notre économie tertiarisée.

On retiendra donc les mots que la vendeuse rôdée veut garder siens alors qu’on lui impose un discours préfabriqué mais scientifiquement étudié pour maximiser les ventes ; les témoignages poignants des employés qui se confient à leur médecin mais refusent les arrêts maladie de peur de perdre leur travail ; la novlangue, enfin, du communicant parisien qui réussit à tirer parti de l’horreur pour renforcer l’allégeance à l’entreprise, de sorte que le facteur humain ne ralentisse pas trop longtemps la course au profit…

Un film terrible et nécessaire sur l’ultramoderne souffrance au travail.

F.L.