Denis Villeneuve, qui s’était fait positivement remarquer en 2010 avec son flamboyant Incendies, s’attaque à l’ambitieux défi de proposer une version singulière d’un genre rabâché : la rencontre avec d’hypothétiques aliens. Loin de donner lieu à des affrontements, celle-ci sert ici de prétexte à une digression sur l’influence du langage dans notre perception de la réalité. Le film s’attarde d’ailleurs tant sur le lent décodage de la complexe langue extra-terrestre qu’on peut regretter qu’il en oublie d’exploiter vraiment le potentiel que sa maîtrise est censée permettre. Son charme est ailleurs, résidant dans son style contemplatif et cérébral, dans son ambiance d’inquiétante étrangeté. La bonne idée d’utiliser la cinégénie de l’encre pour figurer l’écriture extra-terrestre concourt à la composition d’une identité visuelle intéressante, imbibée de mystère et de douceur. Là où les angles saillants du parallélépipède de Stanley Kubrick connotaient la menace de guerre, les jolies courbes des OVNI ovoïdes de Denis Villeneuve sont plutôt annonciatrices de paix. Dans un monde où les différentes grandes puissances s’affrontent au lieu de s’entraider, où ne cesse de planer le spectre d’une troisième guerre mondiale, l’humanité n’a plus qu’à espérer qu’un médiateur se chargera de les munir d’une sagesse qu’ils n’ont pas. Puisqu’elle a tué Dieu, du moins en Occident, l’extra-terrestre incarne son dernier espoir de transcendance.

F.L.