Pendant les émeutes qui secouèrent l’Egypte en 2013 à la suite de la destitution du président islamiste Mohamed Morsi par l’armée, la police regroupe dans un fourgon divers manifestants soupçonnés de soutenir les Frères musulmans. Pendant des heures, une vingtaine d’hommes et de femmes sont forcés de cohabiter dans ce huis-clos alors que la guerre civile fait rage à l’extérieur.

Mohamed Diab synthétise les dissensions qui déchirent son pays en ne filmant que l’intérieur d’un fourgon, microcosme reflet du macrocosme. Les clivages de la société sont très vite reproduits : un chef émerge et organise la ségrégation socio-spatiale des 8 m². Les partisans des Frères sont priés de se masser d’un côté du véhicule, ceux de l’Armée de l’autre. « Et si l’on n’est ni l’un ni l’autre ? » demande vainement un journaliste : la pensée binaire fait loi. Le réalisateur évoque ainsi ce triste automatisme de l’esprit humain consistant à catégoriser l’autre pour savoir quel traitement il mérite. Il montre que les hommes nourrissent amitié ou haine envers leurs voisins en fonction des idées qu’ils professent, donnant aux mots plus d’importance qu’ils ne méritent. Néanmoins, quand la chaleur, la soif et l’envie d’uriner se font de plus en plus oppressantes, les idéologues sont rappelés à leur égalité foncière par la fatigue du corps, et tous finissent par se rassembler dans une solidarité pragmatique. 

F.L.