Après avoir renvoyé leur tyrannique fermier, les animaux s’organisent pour continuer à gérer la ferme en se passant de lui. Alors que leur révolte était fondée sur le principe que tous, petits ou grands, à poils ou à plumes, étaient égaux, les hiérarchies réapparaissent vite au profit des porcs qui se considèrent plus à même de décider pour l’ensemble de la communauté animale.

Initialement sortie aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne dans les années cinquante, en partie financée par la CIA, l’adaptation animée du célèbre roman de George Orwell se présentait à l’époque auprès du public adulte comme une satire du bolchévisme. Les personnages de Boule de Suif et de César (Snowball et Napoléon dans la version originale) étaient perçus comme les caricatures de Trotsky et Staline. Avec nos lunettes de citoyens du XXIe siècle, dans une version restaurée en 4K que ressort fort à propos Malavida, libre à nous d’y lire une critique plus générale du totalitarisme doublée d’une mise en garde contre les dangers qui menacent la démocratie. La pluralité des niveaux de lecture de cet animé aux protagonistes animaux le rend aussi intéressant pour les adultes que pour les enfants. Les premiers s’amuseront à décoder les événements historiques auxquels les péripéties du film réfèrent, tandis que les seconds apprécieront l’histoire riche en rebondissements et l’animation riche en gags.

Souhaitant se démarquer des dessins animés légers de Disney, les Britanniques John Halas et Joy Batchelor ont colorisé leur Ferme des animaux en Technicolor, ce qui donne aux images des nuances sombres et intenses en concordance avec le propos. N’assumant néanmoins pas le tragique de la fable orwellienne jusqu’au bout, le couple de réalisateurs a troqué la chute pessimiste du roman contre une fin ouverte, porteuse d’espoir. Le résultat final équilibre agréablement gravité et humour, pour un film qui pourra servir autant à des fins pédagogiques que de divertissement.

F.L.