Si le nom de Vivian Maier, née en 1926, est désormais célèbre parmi les photographes du siècle précédent, il était totalement inconnu jusqu’à il y a quelques années, avant qu’un jeune agent immobilier, John Maloof, aussi réalisateur du film, acquière un carton rempli de négatifs lors d’une vente aux enchères.

Mais quelle est donc la mystérieuse photographe qui se cache derrière ces nombreux clichés ? John Maloof, fasciné par ce personnage passionné de photographie, va alors entamer une enquête longue mais excitante.

Il se met en scène dans À la recherche de Vivian Maier, narrant les différentes étapes de son enquête, qui débute par ce simple coup de chance. Pour réunir le reste de son œuvre et en apprendre plus sur la vie de ce personnage extraordinaire, John Maloof entreprend un immense travail d’archive et se concentre au départ sur ses factures, ses lettres, ou tout autre objet qui pourrait lui donner des indices quant à son entourage. Il découvre que cette femme était employée comme nourrice pour gagner sa vie. Lui vient alors une préoccupation, celle de révéler au monde l’œuvre de cette photographe hors du commun. Pourquoi prenait-elle des photos de manière si obsessive, et pourquoi ses photos n’ont-elles jamais été montrées à personne ?

Finalement, John Maloof parvient à retrouver ceux qui alors étaient les enfants que Vivian Maier gardait, en tant que nounou. Aujourd’hui adultes, ces derniers témoignent et dessinent peu à peu le portrait du personnage et son parcours si mystérieux. Femme de grande taille, elle avait une personnalité assez froide et discrète, s’habillait avec un style tout droit sorti des années 1920, et ne se séparait jamais de son Rollefleix carré bi-objectif. Cet appareil est idéal pour prendre des photos à la dérobée car il ne se porte pas devant le visage mais à la taille. Les clichés de Vivian Maier sont de ce fait souvent en contre-plongée, ce qui donne une grandeur, un caractère imposant aux personnages photographiés. Invisible, cette mystérieuse « nanny » observait, scrutait les moindres détails de son environnement, et aimait photographier la rue, le peuple, les ouvriers de Chicago, ainsi que les bourgeois des riches banlieues.

Avec son documentaire, John Maloof veut avant tout séduire son spectateur. Son enquête est un travail d’historien, de détective, celui de sortir une artiste de l’anonymat, de l’exposer au grand jour. De temps à autre, le montage s’accélère et les différents clichés de Vivian Maier sont rythmés par une musique rapide et entraînante, comme pour marquer un avancement de plus en plus effréné dans l’investigation. Rien n’est connu sur la famille ou le passé de la photographe. Son accent français était apparemment faux puisque Maloof découvre qu’elle est née à New York. De plus, les témoignages viennent parfois se contredire et les faux noms se multiplient. Si John Maloof insiste sur le côté extraordinaire du personnage et son talent pour la photographie, il révèle aussi sa grande part d’ombre, sa recherche du bizarre, de l’insolite, du grotesque ou même la fascination morbide qu’elle pouvait avoir. Certains témoignages, assez difficiles, font d’ailleurs état de la violence et de la cruauté du personnage.

Cette femme énigmatique était un personnage très réservé, qui n’a jamais montré ses photos à personne. Dès lors, le spectateur peut avoir une position ambivalente et considérer la démarche de John Maloof de la rendre publique comme une sorte d’intrusion. Vivian Maier aurait-elle aimé que l’on s’intéresse ainsi à elle ? C’est d’ailleurs là toute l’ambiguïté de ce film, à la machinerie documentaire séductrice.

À la recherche de Vivian Maier est un film brillamment orchestré, qui s’intéresse à cette photographe extraordinaire sans jamais vraiment lever le mystère qui plane autour d’elle depuis le début, la rendant toujours plus fascinante.

Camille Villemin