À l’occasion de la sortie de Ready Player One sur supports numériques, je vous propose ce jeudi un retour sur un film aussi rafraîchissant qu’un mojito en pleine canicule qui a profondément marqué Ernest Cline, l’auteur du roman original qui a inspiré le film de Spielberg. Méconnu en France, le long métrage Profession Génie aka Real Genius est un titre fondateur pour la culture geek. Pour les plus anciens d’entre vous, voici la définition forcement restrictive que donne l’honorable Larousse du phénomène "geek" : « Fan d’informatique, de science-fiction, de jeux vidéo, etc., toujours à l’affût des nouveautés et des améliorations à apporter aux technologies numériques. »

Je vous invite donc sous ce beau soleil d’été à lancer votre playlist 80 sur Spotify. Fermez les yeux, imaginez-vous en veste en jean, un bandeau sur les cheveux et revenons sur un long-métrage réalisé durant la glorieuse décade des eighties qu'Hollywood ne cesse de recycler avec son Stranger Things ou bien encore Ça.

Le film met en scène un Val Kilmer à la sortie de l'adolescence qui n’a pas encore joué dans Top Gun. On peut même dire que le long-métrage qui nous occupe aujourd'hui avec ces geeks antimilitaristes est à l'opposé du manifeste patriotique qui le rendit célèbre aux côtés de Tom Cruise et Anthony Edwards. Dans Profession Génie, Kilmer est une fois de plus excellent dans leregistre comique qu'il avait déjà abordé avec son premier rôle d'importance au cinéma avec Top Secret, un bijou d’absurdité signé par le trio de cinéaste à l'origine d' Y a-t-il un pilote dans l'avion.

Sorti en 1985 aux USA, Profession Génie est symptomatique d’un Hollywood qui prend conscience de l’émergence du public geek. À la même époque des films comme Tron ou Starfighter prennent pour sujet l’informatique émergeant. Dans les années 70, un ordinateur est aussi grand qu’une chambre de bonne sous les toits de Paris et son utilisation est limitée à l'armée et aux facultés américaines. Mais avec le lancement du Macintosh 128K en 1984 avec son interface graphique et sa souris, l'informatique pénètre les foyers et devint un objet du quotidien, intégrant la culture de masse au même titre que le walkman.

Rassurez-vous Chacun Cherche Son Film n’est pas devenu Science et vie Junior, mais il était essentiel de rappeler que Wargames, Profession Génie ou la série Les Petits Génies (diffusée sur France 3) étaient des objets culturels qui reflétaient leur époque. De la même manière, pour comprendre l’impact de Profession Génie aux USA sur des artistes comme l'auteur de Ready Player One, il faut bien bien prendre conscience que la représentation des geeks dans ce film est novatrice à l'époque de sa réalisation. En effet, les  passionnés de technologie voir de science avaient été montrés jusqu'alors comme des binoclards aux cheveux sales, obsédés par Dongeons et Dragons et dont la vie sexuelle se limitait à des tendinites du poignet.

En prenant un Val Kilmer au physique juvénile, mais avantageux, noua avons déjà un changement en termes de présentation. Mais surtout le film est un manifeste pour la différence rompant avec l’habituel scénario où le geek doit se transformer en un personnage normé pour être accepté par la société (Grease et des centaines d’autres films sur le même modèle). On comprend don l’impact du film pour une communauté qui avait l'impression d'être pour une fois respectée et même mise en valeur à la place des habituels joueurs de football américain gavés de protéines ou des pimbêches sur le bord des terrains dont le cerveau semble aussi léger que leurs pompons.

Le film propose des scènes teintées d’un humour absurde assez original et jamais moqueur. On se rappelle ainsi de la piste de ski improvisée dans les couleurs de l'internat ou du personnage d’étudiant qui vit depuis 20 ans dans les sous-sols et passe par les placards des chambres de la faculté pour retrouver son antre où il essaye de pirater une loterie.  Une douce folie émane du script qui s’emploie à nous offrir un joli discours que l’on pourrait résumer par : « soit ce que tu veux et pas ce que la société attend de toi ». Une vision qui est en totale rupture avec l’Amérique belliqueuse et stéréotypée des héros reaganiens dont les biceps huilés avaient envahi les écrans. Profession Génie est un film juste et touchant qui offre la possibilité à chacun d’écrire sa propre histoire en dehors des normes imposées par la société.

Plaisant, regorgeant de dialogues amusants comme dans ces échanges entre le professeur de la faculté et les ouvriers qu'il méprise, Profession Génie est une date marquante concernant la représentation du geek à l’écran. Enfin, et ce n’est pas pour me déplaire, le long-métrage nous dresse un portrait peu reluisant des militaires américains aux mains de consortiums industriels.

Sympathique, idéal en période festival, un film peu connu en France qui est devenu une pièce essentielle de la culture geek de l’autre côté de l’Atlantique. À voir ou revoir !

Mad Will