D.A.R.Y.L. est l’oeuvre du cinéaste australien Simon Wincer connu par le grand public pour Sauvez Willy, une relecture de Flipper où le gentil dauphin est remplacé par un orque. Ce film aura fait pleurer dans les chaumières dans les années 90 même si je ne suis pas très sûr de son impact sur la vente du thon en boite Saupiquet. Pour ma part, si le nom de Wincer est très important pour moi, c’est pour la bonne raison que l’homme a dirigé dans son pays natal, l’un de mes films préférés : Harlequin. Cette réalisation fantastique à l’ambiance envoûtante reste l’une des belles tentatives de donner corps à « la magie » au cinéma avec une relecture particulièrement inspirée de Raspoutine par le scénariste Everett De Roche. Nom bien connu par les fans de fantastique et que l'on retrouve au générique de nombreuses réalisations australiennes de genre comme Patrick, Long Week-end ou Snapshot déjà réalisé par Simon Wincer.

Wincer s’est signalé en Australie par sa mise en scène rigoureuse avec des cadres extrêmement soignés à la Carpenter où se dégageait un vrai savoir-faire pour créer une ambiance angoissante. Son passage aux USA verra le réalisateur se mouler dans le système hollywoodien où il deviendra un réalisateur anonyme, comme tant d’autres qui ont vendu leur âme pour des succès au box-office.

S'il est difficile de reconnaître la patte du réalisateur d’Harlequin dans D.A.R.Y.L., l’homme ne s’est cependant pas encore fourvoyé avec ce film comme il le fera plus tard dans des productions indignes de son talent comme Crocodile Dundee III ou Monsieur Quigley l'Australien. Dans son premier film américain, il répond à une commande qui s’inscrit dans la lignée des productions Spielbergiennes mettant en vedette des enfants dans des divertissements calibrés pour toute la famille. Le savoir-faire dont fait preuve le réalisateur australien qui sera choisi dans les années 80 par Lucas pour travailler sur sa série Young Indiana Jones, permet à D.A.R.Y.L. de s’inscrire parmi les meilleurs films de gamins à bicyclette de la décennie. Le réalisateur réussit ici à mixer assez habilement le thriller et la comédie familiale sans avoir besoin de recourir à des effets spéciaux envahissants. Ainsi, D.A.R.Y.L. possède son « petit » statut de film culte pour ceux qui l’on découvert enfants et  se laisse encore regarder avec beaucoup de plaisir même s’il n’est jamais au niveau des mètres étalons du divertissement pour la jeunesse comme Le secret de la pyramide ou L’histoire sans fin.

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Mais de quoi parle D.A.R.Y.L. ?

Daryl (« Data Analyzing Robot Youth Lifeform », jeune forme de vie robotique d'analyse de données ou « Développement Adolescent Robotoïd Yttrium Lasérisé ») est un androïde ayant l'apparence d'un adolescent. Il est abandonné du centre scientifique où il a été conçu afin de trouver une famille pour vivre comme un vrai petit garçon. Mais le gouvernement n'entend pas voir un tel investissement disparaître sans réagir.

Le film commence à la manière d’un thriller avec une poursuite en voiture. Un homme essaye de cacher un enfant alors que des individus armés sont lancés à ses trousses. Il perdra la vie, mais réussira tout de même à sauver l’enfant qui erre alors dans les bois jusqu’à sa rencontre avec un couple de personnes âgées dans une scène qui m’a immédiatement évoqué le Superman de Richard Donner. L'analogie est réelle. En effet, nous avons deux enfants d’origine inconnue qui vont se révéler avoir des pouvoirs par rapport au commun des mortels.  Après avoir introduit son film sous la forme d’un thriller, Wincer met en scène le parcours du jeune garçon jusqu’à son adoption par l’intermédiaire d’images d’Épinal de l’Amérique rurale qu’il accompagne d’une musique où résonne un harmonica. Le réalisateur australien semble ici  être devenu amnésique comme le petit Daryl en adoptant tous les clichés de l’Amérique jusqu’à la caricature.

Le film nous donne ensuite à voir l'existence de Daryl au sein de sa nouvelle famille. Après avoir proposé des images en mode "américana", le film adopte l’imagerie des productions d’Amblin avec ces gamins jonchés sur des bicyclettes qui communiquent par talkie-walkie. Si le long-métrage emploie le ton de la comédie, Wincer arrive à créer un doute sur la nature de son héros grâce à une mise en scène classique et sans fioriture qui s’appuie sur l’excellente interprétation de son jeune interprète :  Barret Oliver. Particulièrement doué, le jeune acteur ménage ses effets, jouant un droïde au début assez glacial, qu’il humanise de scène en scène avec beaucoup de retenue, par l’intermédiaire d’un sourire ou d'un regard plus appuyé.

Le film s’appuie sur un scénario signé David Ambrose qui a collaboré au script de Nimitz, retour vers l'enfer mais aussi de l’envoûtant Survivant d’un monde parallèle, un autre film emblématique du fantastique Australien mettant en scène l’acteur d’Harlequin Robert Powell. L’autre scénariste crédité sur D.A.R.Y.L.  est Allan Scott, un habitué des films de Nicolas Roeg cosignant les scénarios de Ne vous retournez pas et Des sorcières (retour sur les deux films : lien 1 et lien 2 ). Si leur histoire ne révolutionne pas la science-fiction à l’instar de la mise en image de Wincer, elle est tout de même efficace offrant ainsi aux jeunes spectateurs son lot de scènes de suspens et d’action avec notre jeune droïde qui va prendre tout simplement le contrôle d’un F16.

Même si D.A.R.Y.L. n’approfondit jamais le statut de son Pinocchio cybernétique, le film est quand même un divertissement familial plus qu’honnête avec des scènes impensables dans l’Hollywood actuel ou le politiquement correct règne. En effet, je ne suis pas sûr que la séquence où Daryl doit être opéré et se retrouve à exprimer sa peur par l’intermédiaire d’écrans d’ordinateur, serait conservée maintenant. Enfin, même si le film nous donne à voir une famille d’adoption toute droite sortie d’une pub Kinder, les auteurs n‘hésitent pas à caractériser les politiques et les militaires comme une belle bande de salopards prêts à sacrifier des innocents, dont des enfants.

D.A.R.Y.L. s’inspire avant tout des récits de science-fiction et policier qu’il adapte avec beaucoup de respect pour son jeune public avec des scènes de poursuite et des rebondissements multiples où la vie de son héros est en jeu. À l’instar de WarGames, le film a bien vieilli car il n'est jamais une publicité envahissante pour les outils technologiques de son époque (on verra juste un jeu Atari ST), n’usant ainsi jamais d’effets spéciaux qui seraient devenus ringards avec le temps.

Après ce film, Wincer continuera sa carrière dans le registre du divertissement familial et signera le carton mondial : Sauvez Willy. Quand on se rappelle son excellent Harlequin, on pourra regretter que ce cinéaste comme tant d’autres d’Australie (Richard Franklin…) se soit perdu durant ses années hollywoodiennes. Seuls un Peter Weir ou un George Miller arriveront par moment à imposer leur vision du cinéma venue de l’hémisphère sud.

Si vous appréciez les divertissements des années 80, vous passerez un agréablement moment en regardant ce D.A.R.Y.L.avec vos enfants.

Mad Will