A sa sortie de prison, Zachary dit « Zac » retrouve sur le parking, avec une certaine déception, son éducatrice et non  sa mère. Pour ce gamin de 17 ans, pas de retour chez maman, mais au foyer dans lequel il a grandi, au quartier nord de Marseille. Aussitôt sorti les affaires reprennent, vente de shit, vol à l’étalage et visite chez les prostituées. Il tape dans l’oeil de Shéhérazade, malheureuse fille de joie qui suce son pouce entre deux passes. Elle accueille Zac enfui du foyer, dans la petite chambre insalubre qu’elle partage avec une collègue de la rue. Par motivation monétaire puis parce qu’il veut la protéger, Zac s’improvise proxénète, négocie les tarifs et déniche le client. Mais lorsqu’on s’approche de trop près de sa protégée, celui qui clamait « respecter les femmes mais pas les putes » perd les pédales et se retrouve mêlé à une dangereuse guerre de gangs.

Premier long métrage du prometteur Jean-Bernard Marlin (récompensé par l’Ours d’Or du court métrage pour La Fugue à Berlin), Shéhérazade est une immersion aussi belle que violente dans les nuits d’une jeunesse orpheline, à qui il ne reste que le crime pour subsister. Ni parent ni police n’ont les moyens (ou l’envie) de s’interposer entre les voyous, mais le cinéaste, lui, y parvient, en les dotant de sentiments suffisants à ce  qu’une autre vie leur soit possible. Love story en milieu hostile, documentaire sur les trafics de rue dans les méandres de Marseille, Shéhérazade se voit comme une fable non pas moralisatrice mais porteuse d’espoir, emmenée par des comédiens hallucinants (notamment Dylan Robert et Kenza Fortas) dont on devine qu’ils sont non professionnels et viennent eux aussi directement d’un trottoir ou d’un foyer.

Suzanne Dureau