L’adaptation au cinéma de la pièce d’Andréa Bescond, Les chatouilles ou la danse de la colère, nous offre un film poignant mais inégal. Difficile d’être critique sur un film qui relate le viol dans son enfance de l’auteure de la pièce, qui est également coréalisatrice,  par un « ami de la famille » pédophile. D’autant plus que le spectateur hésite à cause de la forme du film entre autobiographie et fiction. Ces allers-retours entre l’aspect autobiographique et la fiction, ont été jugés inopportuns par certains critiques. Cependant, de mon point de vue, c’est ce qui permet au spectateur de mieux supporter ce qui y est dit et peut-être à la réalisatrice de pouvoir le dire. En effet le fil conducteur du récit consiste en des séances d’analyse qui font alterner les scènes de tension dramatique extrême, et les scènes de pure comédie. C’est à travers ces séances et aussi par la danse que le personnage entamera sa nécessaire reconstruction.

Du côté de l’autobiographie, on a beaucoup d’empathie pour Odette (Cyrille Mairesse, étonnante), le personnage qui incarne Andréa jeune. On imagine très bien ce qui va se passer lorsque Gilbert (Pierre Deladonchamps) invite la petite fille à jouer avec lui à la poupée.

Du côté fictionnel, l’actrice/réalisatrice joue autant avec son personnage qu’avec le spectateur. En effet, en racontant sa vie lors de ses séances d’analyse, la voilà qui s’exclame : « oui mais là j’ai arrangé les faits ». (Le plus souvent pour révéler un effet comique). Cette filmo-thérapie maintient ainsi une distance qui rappelle au spectateur qu’il ne faut pas croire à tout (et en creux aux discours du prédateur).

Cependant le personnage de la mère (Karine Viard) semble trop caricatural, totalement égocentrique et complètement aveugle au désarroi de sa fille. Et dans une moindre mesure le personnage du père démissionnaire (Clovis Cornillac) semble aussi forcé. C’est dommage car cela gâche la portée universelle du message qui veut que ces drames puissent survenir dans des familles dites « équilibrées ». Qu’en était-il dans la réalité de la vie d’Andréa, si tant est qu’elle puisse objectivement en témoigner ?

Au final le traitement plutôt réussi d’un sujet grave, un film dans lequel on se laisse facilement embarquer, porté par de très bonnes interprétations d’acteurs.

Laurent Schérer