Philippe Faucon, derrière la caméra depuis trente ans, fut véritablement révélé en 2015 avec Fatima, réalisation pour laquelle il obtint trois César dont celui du meilleur film. Depuis le cinéaste s’est essayé avec Fiertés au format série sur Arte, avec succès, et était présent à la dernière Quinzaine des Réalisateurs pour présenter Amin.

Originaire du Sénégal, Amin (Moustapha Mbengue) travaille en France comme ouvrier sur des chantiers. Comme bon nombre de ses semblables immigrés, il vit dans une petite chambre d’une modeste résidence excentrée. De temps en temps, l’espace de quelques semaines ou d’un mois, Amin peut revenir au Sénégal retrouver sa femme et ses trois enfants qu’il ne voit pas grandir. Tandis qu’eux rêvent de le rejoindre en France, l’expatrié à lui conscience que l’Europe n’a pas forcément une meilleure vie à leur offrir.

De son côté, Gabrielle (Emmanuelle Devos) explore aussi la solitude. Divorcée et mère d’une ado mutique, elle se bat avec son colérique ex-mari. Gabrielle est une femme douce et extrêmement généreuse. C’est ainsi qu’elle tend la main à Amin, alors employé chez elle pour des travaux, en lui proposant après une longue journée de travail de le ramener à sa résidence. Peu à peu, les deux âmes esseulées apprennent à se connaître et à se réconforter, d’abord par des paroles, puis par de l’amour.

L’immigration est un thème de prédilection pour Philippe Faucon. Cette fois, il ne le traite pas seulement en France, mais également au Sénégal, sur la terre d’origine du protagoniste. Et des deux côtés, on a le fantasme confronté à la réalité : Amin, dont on explore la situation difficile dans son pays d’accueil (pauvreté, solitude, exploitation au travail) aimerait rester au Sénégal avec ses enfants et sa femme Aïcha, dont il semble ignorer la souffrance. Et vice versa pour Aïcha, qui élève seule ses enfants et doit se soumettre à la société patriarcale de son pays, se voyant ainsi empêchée de prendre des décisions sans consulter l’avis d’un homme.

Philippe Faucon décrit avec sobriété mais précision, par une mise en scène non dramatisante, le quotidien difficile de ses sujets. Même si Amin est un film engagé, qui démonte les injustices homme/femme, noir/blanc et patron/salarié, il demeure un grand film d’amour. L’érotisme et la sensibilité explosent dans l’improbable union entre Emmanuelle Devos et Moustapha Mbengue, dont l’admirable interprétation participe à la réussite du film.

S.D.