A Kaboul, sous le régime taliban, la jeune Parvana accompagne tous les jours son père au marché où il gagne sa vie en tant que lecteur et écrivain public. Du jour où son père est arrêté, la loi coranique interdisant à toute femme de se trouver dans l’espace public si elle n’est pas accompagnée d’un homme, la petite fille n’a d’autre choix que se faire passer pour un garçon pour continuer à aller gagner de l’argent et rapporter de quoi nourrir sa famille.  

   On se souvient des années après de l’adaptation cinématographique de Persépolis, qui popularisa l’enfance iranienne de son auteure, Marjane Satrapi. Avec sa jeune héroïne tout aussi mutine (mais grandissant au sein d’une famille beaucoup moins aisée), Parvana a la même ambition de témoignage historique mêlé d’exigence graphique, qui lui permettra aussi, nous l’espérons, de rester gravé dans les esprits.

   Le nouveau film d’animation de Cartoon Saloon (Brendan et le secret de Kells, Le Chant de la mer) articule habilement à l’histoire principale ancrée dans la réalité historique celle d’un vieux conte afghan transmis par le père lettré. Alors que les premières séquences sont dessinées de façon à imiter la prise de vue réelle, avec ses profondeurs de champ et ses clair-obscur réalistes, les secondes obéissent davantage à des lois géométriques, avec leur esthétique de collage et leurs motifs sphériques. Les deux histoires entrent en résonance puisque la bravoure du héros du conte aiguillonne la persévérance de Parvana, soulignant par là même l’influence morale positive d’une culture profane que le régime taliban aimerait bâillonner.

   Fable pacifiste et féministe montrant les horreurs de la guerre et la bêtise du fondamentalisme, Parvana laisse aussi entrevoir à travers les grands yeux couleur émeraude de l’héroïne, le garde-fou que constitue la culture pour rester humain face à la barbarie. Une sagesse universelle.

Florine Lebris