Amoureux du roman feuilletonesque, des ouvrages de Maurice Leblanc et de son célèbre gentleman cambrioleur, le film que j’ai sélectionné pour vous devra vous plaire. On y retrouve le charme d’une littérature populaire du temps passé où les mauvais garçons n'étaient pas dénués de classe. À la manière d'un Gaston Leroux; je vous adresse aujourd’hui une invitation rédigée à l’encre magique pour vous inviter à découvrir avec moi un très grand film populaire remarquablement écrit qui mêle aventure, comédie et scènes de cambriolage de haut vol.

Il vous suffira de vous munir d’une bougie pour révéler le titre du film écrit à l’encre sympathique que nous allons aborder. La flamme s'approche délicatement du papier, le nom du long-métrage apparaît : La Grande Attaque Du Train D'Or de Michael Crichton.
Tendez l’oreille. Des hennissements de chevaux résonnent au loin. Munissez-vous à présent de votre plus belle redingote et partons pour le XIX ème siècle. Une calèche vient de s'arrêter devant votre poste de télévision, je vous demanderai de la prendre. Ça y est vous êtes bien installé. Votre véhicule vient de quitter votre salon et remonte à présent la célèbre Baker Street. Nous passons devant le 221 où un incendie s'est déclaré au deuxième étage d'une demeure bourgeoise. Alors que notre fiacre a du mal à s'avancer dans la foule, nous entendons murmurer plusieurs badauds qui se plaignent d'un certain Sherlock Holmes qui ferait des expériences plus qu'étranges chez lui.

Notre quittons la rue pour nous arrêter une centaine de mètres plus loin devant la demeure d'un certain Edward Pearce. Il est interprété dans le film par un certain Sean Connery connu pour son incarnation de James Bond. Il faut bien dire que l’acteur d’origine écossaise est parfait dans ce rôle de bandit au grand cœur. Doté d’un charisme sans égal, à la fois mauvais garçon et grand seigneur, il est parfait en génie de la cambriole qui se joue des codes de la haute société pour mieux lui vider les poches. Nous quittons à présent notre calèche et nous nous avançons vers la demeure qu’il occupe avec ses complices. Notre regard est alors happé par une jeune femme brune à la beauté incandescente, une certaine Myriam. Elle vient de pénétrer la demeure de notre bandit au grand cœur. Incarnée par l’actrice Lesley-Anne Down, nous sommes envoûté par tant de beauté. Brune à la chevelure magnifique, son regard perçant hypnotise notre esprit. Lesley-Anne Down trouve ici l’un des meilleurs rôles de sa carrière. Elle interprète à merveille cette femme de caractère qui doit survivre dans un monde où les bourgeois pensent pouvoir s’acheter n'importe quel corps en échange de quelques billets. Michael Crichton fait de Myriam une figure volontaire qu’il oppose aux femmes embourgeoisées, soumises et frustrées comme le rappelle ce magnifique dialogue à forte connotation sexuelle extrêmement bien écrit entre Connery et la femme du banquier qui n’a qu’un souhait : profiter de la virilité de son interlocuteur.

Au moment où nous admirions Myriam, un homme nous a bousculés. Si j’étais vous, je vérifierais si j’ai toujours mes papiers et l’argent pour payer l’aimable cocher qui nous a emmené en fiacre. Vous ne les retrouvez pas ! C’est normal. Vous avez eu affaire au troisième complice de Sean Connery : le célèbre Robert Agar connu pour être le plus grand pickpocket d’Europe. Il est interprété par un Donald Sutherland qui s’inspire du cinéma burlesque pour ce rôle. Si Edward Pearce (Sean Connery) est le cerveau du groupe, Sutherland est celui qui agit, l’homme de main. Sutherland qui a joué autant chez Federico Fellini que Nicolas Roeg, est tout simplement un immense acteur. Crichton le réalisateur ne prenait aucun risque en le prenant sur son film, il est juste parfait tout en apportant beaucoup de fantaisie au film.

Oublier les saisons de La maison de papier en mode telenovela. Crighton réussit une première partie de film brillante qui n’a pas besoin de flashbacks ou d’autres effets de récits pour relancer son action. Il nous montre avec délice comment nos protagonistes sont en permanence obligés de s’adapter à de nouvelles difficultés. Le scénario du romancier à l’origine de Jurassic Park et Mondwest (ancêtre de Westworld) est un vrai travail d’orfèvrerie en termes de caractérisation des personnages et de gestion du rythme. On est vraiment happé et on cherche à savoir comment ils vont réussir le coup. De plus, les dialogues du film sont interprètes par des comédiens qui donnent l'impression d’être heureux. Enfin, sans être un manifeste promouvant l’International, le film prend le parti-pris du peuple face à ses élites. La scène du jugement dans le troisème acte est en effet révélatrice d’une critique acerbe de la société anglaise. On comprend aisément pourquoi le film a reçu le prix Edgar Allan Poe. Nous avons le droit à une sucession de péripéties avec des personnages hauts en couleur qui semblent surgir d’un roman de Dumas ou Doyle.

La deuxième partie du film sur le cambriolage est plus orientée action, mais toujours aussi plaisante avec un Connery à l'aube de ses 50 ans qui nous la joue Belmondo accomplissant lui-même ses cascades lors d'une séquence mémorable sur le toit d’un train lancé à pleine vitesse.

Le seul reproche que l’on pourrait faire au film est peut-être le manque de relief de la réalisation de Crichton. Scénariste habile, l’écrivain n’a jamais été un grand metteur en scène, son découpage manquant de rythme. Heureusement, il peut compter sur une belle direction artistique et l’un des plus grands chefs opérateur anglais Geoffrey Unsworth qui éclaira Tess (en partie), Cabaret ou 2001. Sa participation technique offre une belle patine aux images. On peut soupçonner que l’habile technicien a dû gérer une partie de la mise en scène. En effet, ce film est la plus grande réussite de son réalisateur surtout connu comme écrivain au cinéma.

Mais il est tard et nous devons nous éloigner de la demeure d’Edward Pearce. Notre vie quotidienne se rappelle à nous malheureusement. Fini les héros au grand cœur et les brunes incandescentes qui ne ressemblent pas aux femmes enfants du cinéma actuel. Retour brutal à un présent où le cinéma commercial se fait exclusivement à la destination des plus jeunes, où les seuls acteurs âgés à l’écran ressemblent à des créatures sous botox en mode Freaks.

Il nous faut maintenant quitter les douces images de La Grande attaque du train d'or. Notre voyage est fini, nous nous réveillons sur notre canapé anonyme made in IKEA. Le générique du film défile sur Netflix et vous vous dites simplement que vous avez passé un excellent moment devant ce long-métrage. Et c’est déjà beaucoup !

Mad WIll