The Monster Squad est une madeleine de Proust. À l’instar des Goonies, ce long-métrage signé Fred Dekker est une variation moderne du Club des cinq d’Enid Blyton où un groupe de jeunes adolescents affronte les monstres des films Universal que sont Frankenstein, Dracula, le loup-garou, la Momie ou bien encore la Créature du Lac noir. Bide à sa sortie, le film possède une grande côte de sympathie chez les cinéphiles américains qui ont en fait depuis un film culte.

Mais que raconte The Monster Squad ?

Dracula est en vie et il veut dominer le monde, pour cela il demande l'aide d'autres monstres légendaires. Cependant, un groupe d'adolescents fans de monstres et considérés comme des loosers, déjouent son plan machiavélique et préparent une contre-attaque.

Le cinéaste à l’origine du projet est Fred Dekker, repéré grâce à son premier film Extra Sangsues sélectionné entres autres au festival d’Avoriaz.  Auréolé d’un relatif succès public et critique avec son long-métrage d’horreur, le réalisateur s’attaque au divertissement à la mode dans les années 80 qui mettaient en scène des enfants comme dans les films Amblin tels que E.T. ou le Secret de la pyramide.

Son scénario, Dekker le signera avec son copain de fac le fameux Shane Black. En cette année 87, date de sortie de Monster Squad, deux énormes succès au box-office ont fait de Black une star dans le monde des scénaristes. Tout d’abord, l’Arme fatale dont il signe le script et ensuite Predator dans lequel il joue et collabore aux réécritures. Malheureusement il ne fera pas la passe de trois et Monster Squad ne remboursera pas son budget lors de sa sortie en salles. Black n’oubliera cependant pas son camarade Dekker qui l’avait soutenu à ses débuts. En effet, le duo vient de se reformer pour deux gros blockbusters à venir : un Predator en 2018 et un Chapeau melon et botte de cuir qui en est encore au stade de l’écriture.

Sur Monster Squad, on retrouve aussi le grand Stan Winston, l‘as des effets spéciaux qui a supervisé les créatures de TerminatorPredator, ou encore de l’Invasion vient de Mars de Tobe Hooper. Les monstres qu’il a créés respectent parfaitement leurs illustres aînés, tout en leur apportant une pointe de modernité. Il faut préciser que Monster Squad était distribué par TriStar Pictures. Il fallait donc d’un point de vue des copyrights faire des modifications sur les monstres pour qu’ils soient reconnaissables sans pour autant mettre en branle le service juridique d’Universal détenteur des droits sur les créatures telles que Frankenstein (changer l’emplacement des boulons sur celui-ci par exemple). À ce titre, la créature du Lac Noir est réellement impressionnante pour un film sans effets digitaux même 30 ans après sa sortie. Enfin à la production, on retrouve le sous-estimé Peter Hyams, un réalisateur que j’apprécie fortement et qui a signé un excellent 2010 et l’un des meilleurs films de SF des années 80 : Outland.

Un film avec un groupe d’enfants nécessite que son jeune spectateur puisse identifier à ses héros. Dekker et Black nous propose une galerie de gamins hauts en couleur que ce soit Sean, le leader sympathique, Patrick son second et sa petite sœur Phoebe ou bien encore Horace le petit grassouillet. Enfin, nous avons Rudy, le bad boy, un fantasme pour tout gamin des années 80, avec son perfecto et sa clope au bec. Notre petite bande est bien sûr fan de films d’horreur avec des posters dans leurs chambres qui feront chaud au cœur des amoureux du genre :  ce n’est pas tous les jours que des affiches de films de Lucio Fulci sont présentes dans un film américain… 

Et même si on est dans le territoire balisé du divertissement familial avec l’intellectuel ou le dégourdi, Black et Dekker dynamitent de l’intérieur le genre. Nos héros apprécient la nicotine, utilisent un fusil à pompe pour éliminer les monstres en sortant des phrases tirées des films d’action de l’époque à la John McClane (héros des Die Hard). Ainsi, le film est beaucoup plus irrévérencieux que son modèle Spielbergien. Connaissez-vous en effet beaucoup de longs-métrages américains pour les kids où l’un des personnages principaux demande plusieurs fois à sa sœur adolescente si elle est vierge, condition sine qua non pour lire une incantation censée renvoyer Dracula en enfer ? On se souvient également d’Horace, obsédé par la question de savoir si les loups garous ont un service trois-pièces et qui par l’expérience d’un coup de pied bien balancé vérifiera sa théorie. Au-delà de cet humour un tant soit peu graveleux, le film par moments nous entraîne vers des thèmes parfois plus adultes, en évoquant par exemple les problèmes de relation de couple des parents de Sean. Dekker nous offre aussi une scène très touchante sur la monstruosité ou Frankenstein regarde un masque le représentant et ne cesse de répéter « Monster » avec un air désespéré. Enfin, les deux auteurs se permettent des références historiques souvent absentes de ce type de métrage.  La plus frappante a lieu sous forme de dialogue entre Horace et le personnage du vieux monsieur à l’accent étrange, l’archétype du mentor qui aide nos jeunes héros. Horace lui demande :

- Vous en savez sûrement beaucoup sur les monstres ?

- Sur les monstres… Je dois dire. Je suppose que oui.

La caméra nous dévoile alors par l’intermédiaire d’un plan fugace un tatouage d’un camp d’extermination nazi. Ce genre de détail est vraiment emblématique d’un film fonctionnant sur deux niveaux. Le rythme haletant, les blagues un peu faciles et les enjeux scénaristiques assez simples sont pensés pour les plus jeunes. Nous retrouvons un deuxième niveau de lecture pour un public plus âgé avec les références précédemment citées ou des emprunts à formes de cinéma adulte comme le film d’action avec le duo de flic formé par le père de Sean et son collègue noir. On retrouve ici la plume presque absurde de Black et ses dialogues à la limite du surréalisme avec ce collègue flic qui répète inlassablement des inepties sur ces qualités d’enquêteur.

- Désolé, je ne sais pas si t’as remarqué. On est à 140 ! (Plan de la voiture roulant à toute berzingue et qui écrase tout sur son passage).

Tu sais pourquoi je l’ai remarqué c’est parce que je suis un bon élément.

Monster Squad a été pensé par ses créateurs comme une initiation aux films d’horreur pour les plus jeunes . À ce titre, l’acteur choisi pour être Dracula est considéré comme l’un des meilleurs interprètes de l’homme aux canines.  L’idée du film était de confronter le regard naïf des enfants aux personnages mythiques du film d’horreur. Nos réalisateurs multiplient les clins d’œil aux classiques, avec cette très belle scène qui renvoie au Frankenstein de James Whale où la petite fille rencontre la créature du sinistre savant fou au bord de l’eau. Elle le convaincra alors de devenir un allié de nos héros. De la même manière, le film nous propose une ouverture digne des films classiques de vampire avec un Dracula chassé par Van Helsing dans une crypte gothique en plein 19ème siècle. La force du film est de ne jamais ridiculiser ses monstres, on sent l’immense respect des auteurs pour les figures tutélaires du fantastique. Si le film est visible par les plus jeunes, le réalisateur offre quand même plus de frissons que les niaiseries actuelles animées pour enfants, avec une transformation de loup-garou ou la présence d’une momie venue hanter le placard de nos héros.

Monster Squad est un film fichtrement sympathique, mais dont la durée d’une heure et quinze minutes suggère des coupes assez violentes dans la salle de montage. La jonction entre les scènes est parfois abrupte, l’exposition est ainsi trop longue par rapport au reste du récit. Reste néanmoins une demi-heure finale assez fun à voir. À ce sujet, la rumeur voudrait que la production ait éliminé beaucoup de séquences jugées incorrectes par les pontes du studio.

Pas indispensable, mais totalement recommandable, Monster Squad est un chouette divertissement et c’est déjà beaucoup !

Mad Will