Ladyhawke est une œuvre inclassable portée un romantisme digne de l’âge d’or Hollywood. Sorti en 1985, le film était déjà déroutant au regard de la production fantastique de l’époque qui misait sur les effets spéciaux et le spectaculaire.

Mais que raconte Ladyhwake :

Ensorcelés par le cruel et jaloux évêque d'Aquila, les amants Étienne de Navarre et Isabeau d'Anjou se transforment alternativement en loup et en faucon. Avec le secours de Philippe Gaston, jeune voleur qu'ils prennent comme messager, et du vieux moine Imperius, ils se lancent dans une quête pour combattre le diabolique homme d'Église et retrouver leur forme originelle.

Quand le réalisateur de Superman s’attaquait à une histoire fantastique traitant de malédiction (Damien sort de ce corps, voir la critique de La malédiction de Thomas !), on s’attendait à un bestiaire fantastique envahissant chaque recoin de l’écran surtout à un moment ou I.L.M., le studio de Georges Lucas faisait des miracles sur les productions Amblin.

Ce ne fut pas le choix de Donner qui dès l’origine du projet demanda des réécritures sur le scénario d’Edward Khmara qui intégrait de nombreuses créatures de l’héroïque fantasy à l’histoire d’amour impossible de Hauer et Michelle Pfeiffer.

Ce qui intéressait Donner était de retrouver le souffle du film d’aventure en costumes d’Hollywood d’antan, un long-métrage qui s’articule sur une mise en scène qui crée les transformations fantastiques, où l’on retrouve les combats virevoltants du genre cape et d’épée. Le cinéaste va privilégier un tournage dans des décors naturels nous faisant découvrir des sites absolument merveilleux en Italie : que ce soit la forteresse en ruine du moine Imperius (le château de Rocca Calascio) ou encore Le château de Torrechiara qui sert de forteresse à l’évêque diabolique d’Aquila.

Pour créer le visuel de Ladyhawke, il va s’appuyer sur le talentueux chef opérateur Vittorio Storaro qui photographia des films tels qu’Apocalypse Now ou le Dernier empereur. Ce maître des lumières travaille beaucoup sur la lumière comme vecteur émotionnel. Storaro parle des éclairages au cinéma comme « des formes d'énergie qui n'arrivent pas seulement aux yeux, mais à tout le corps du spectateur ». Pour Donner, il proposera des éclairages sophistiqués qui se jouent du soleil et de la nuit pour symboliser l’amour impossible vécu par ce couple condamné à ne jamais se rencontrer, lui transformé en loup la nuit et elle en faucon le jour

Ladyhawke est un joyau en termes de photographie. A l’inverse de tant de réalisations de l’époque qui souffre du passage à la très haute définition qui révèlent les trucages, le Blu-ray sublime certains plans dignes des enluminures moyenâgeuses. La séquence avec le loup prisonnier dans la glace, où la scène avec les deux amants se retrouvant cachés du soleil dans un trou, sont visuellement époustouflantes et garde une puissance émotionnelle extraordinaire.

Cette lumière arrive à créer le fantastique à elle seule sans avoir recours à des maquillages ou quelconque effet d’animation. A ce titre, la scène avec le chasseur César qui assassine les loups est une parfaite illustration d’une ambiance de conte de fées gothique créée seulement à partir de clairs-obscurs et de filtres qui offrent un visuel oscillant entre le rouge et le bleu. Vittorio Storaro recrée avec sa science des éclairages, un visuel digne du Petit Chaperon rouge.

Donner n’use pas effets spéciaux pour la transformation de ses personnages en animal. À la différence d’un John Landis qui proposait une transformation en loup-garou en temps réel dans An American Werewolf in London, le réalisateur de Superman va utiliser le vieux principe du fondu enchaîné pour simuler la transmutation de ses personnages.  Un regard, la crinière d’un loup, quelques détails, et la magie opère devant nos yeux grâce à la force de l’imagination humaine qui est bien aidée par la photographie du film.

Si le film optait pour une approche plutôt réaliste pour un film fantastique en termes de représentation, il devait s’appuyer sur un casting impeccable avec un couple digne d’Elizabeth et Robert Taylor dans Ivanhoé. Richard Donner fait ici encore les bons choix avec Rutger Hauer et Michelle Pfeiffer. Dotés tous deux d’un physique hors norme et d’un charisme évident, nos amants sont de parfaites figures de l’idéal romantique. Matthew Broderick à leur côté est un excellent compagnon, dont l’humour et l’espièglerie le rendraient populaire comme compagnon de Robin des bois dans la forêt de Sherwood.

Une approche classique du conte, un grand chef opérateur, une histoire d’amour presque mythique, un couple d’acteurs charismatique, un solide artisan à la réalisation, tous les astres semblaient réunis pour la réussite du film. Pour autant tout n’est pas parfait. Ladyhwake c’est un peu comme ces rendez-vous ratés alors que vous savez pertinemment que vous plaisez à la belle. Vous vous mettez à danser, vos mains se rapprochent de ses hanches quand soudain retentit le Petit bonhomme en mousse de Patrick Sébastien annonçant le retour de l’oncle alcoolique de votre désirée et annihilant toute tentative de l’embrasser.

Le Patrick Sébastien de notre histoire est un certain Andrew Powell arrangeur du groupe de rock progressif d’Alain Parsons. Il faut le dire tout de suite, sa musique est en complet décalage avec la direction artistique du film qui se voulait comme un retour aux origines du roman chevaleresque avec un recours à des images soignées et une approche mythologique du couple maudit.

Les sons produits par un synthétiseur typé années 80 agrémentés d’une musique classique en mode Eurovision ne fonctionne pas avec l’histoire racontée. Et je vous assurer que l’auteur de ses lignes est un amoureux de cette décennie, chantant régulièrement NeverEnding Story de Lymal sous sa douche.

Quand la musique retentit sur les images dans Ladyhawke, on a l’impression désagréable de manger un plat qui serait à la fois extrêmement sucré et salé empêchant toute appréciation du produit consommé. Le pire dans l’histoire, c’est que Donner est à l’origine du choix du compositeur pour la bande originale. Peut-être que la musique d’un Alan Parsons aurait collé à un long-métrage plus pop. Mais en faisant le choix d’un certain réalisme presque naturalisme pour une œuvre fantastique inspirée par le merveilleux, il y a une antonymie vraiment rédhibitoire à l’écran entre le son et l’image qui demande beaucoup d’efforts aux spectateurs pour ne pas décrocher du film.

Ladyhawke souffre aussi des choix de mise en scène de Donner qui s’appuient sur des plans grand ensemble soignés qui siéent mal aux scènes d’action et de poursuite. On a parfois l’impression que le cinéaste se dit que la photographie du long-métrage et les décors naturels suffisent. On ne retrouve pas son dynamisme habituel en termes de montage et certains combats ressemblent à de gentilles bagarres entre cascadeurs. Cette erreur, le cinéaste la reproduit également en en s’appuyant trop souvent sur la beauté incandescente et naturelle de son couple vedette l’exemptant de développer le background des personnages secondaires comme le méchant évêque d'Aquila peu présent pour faire un antagoniste crédible.

Ladyhawke n’est pas un film parfait, mais son originalité lui permet d’occuper une place à part dans la fantasy au cinéma grâce à la simplicité et la beauté de son histoire d’amour, le charisme incandescent de Michel Pieffer et la noblesse chevaleresque de Rutger Hauer. Un joli film à la photographie magnifique à redécouvrir.

Mad Will

Le film est disponible sur Amazon et la FNAC.