Alors que Bruce Willis vient d’annoncer la fin de sa carrière en raison de problèmes médicaux, nous souhaitions lui rendre hommage avec la critique du film culte Hudson Hawk .

À l'instar du Jack Burton de Carpenter, Hudson Hawk est l'une de ces œuvres produites par les grands studios américains à l’époque où il était encore possible de proposer une nouvelle franchise originale et irrévérencieuse qui déjoue les attentes de spectateurs. Malheureusement, le film sera l’un des plus grands échecs de la carrière de Bruce Willis. En effet, les amateurs de castagne auront eu beaucoup de mal à apprécier les aventures de cet Arsène Lupin cartoonesque à la sauce Chuck Jones (le papa de Bugs Bunny).

Hudson Hawk était surtout l’occasion pour Willis de revenir à la comédie, lui qui avait commencé au cinéma devant la caméra du père de La Panthère rose , M. Blake Edwards, avec des œuvres comme Boire et déboires ou Meurtre à Hollywood . Il faut savoir que ce projet lui tenait à cœur. L’idée de créer un film mettant en scène un voleur portant le nom d’un fleuve du New Jersey, remonte à l’époque où la fée célébrité ne s’était pas encore penchée sur sa carrière. Il avait eu cette idée avec son vieux copain Robert Kraft, compositeur à ses heures perdues, qui se chargera ainsi d’une partie de la B.O. de Hudson Hawk et officiera également à la production.

Avec 70 millions de dollars de budget (si on compte les dépassements), Joel Silver donne les moyens à Willis pour réaliser son rêve, convaincu à l’instar des méchants d’Hudson Hawk que Bruce transforme en or tout ce qu’il approche. La star engage pour tourner le film Michael Lehmann qui n’est pas un cinéaste spécialisé dans l’action, mais un metteur en scène ovationné par la critique pour son premier film Heathers (Fatal Games en France). Il est évident que le choix de Michael Lehmann peut interroger, car l’homme n’a jamais eu à gérer une production d’envergure, mais son premier film avait tapé dans l’œil de Willis. En effet, Lehmann avait réussi à dynamiter les codes du film de lycée dans son long-métrage, proposant une œuvre dotée d’un humour sarcastique que l’on pourrait qualifier de Breakfast Club revu par Quentin Tarantino.

Pour écrire le script, Daniel Waters, le scénariste de Heathers, est engagé. Il est néanmoins secondé, production Silver oblige, par le scénariste roi du cinéma d’action d’alors, Steven E. de Souza à qui l'on doit les scénarii des deux premiers Die Hard , mais aussi de Commando ou Street Fighter . Willis est également crédité, mais s’il semble évident que celui-ci a surtout collaboré à l’écriture de son personnage en lui donnant son amour pour le jazz ou sa cool attitude. Bruce, quand il revient sur l’échec du film qui fera date à Hollywood, se désigne comme le seul responsable car il a pris les décisions artistiques à chaque étape de la fabrication d'Hudson Hawk . Il est en effet de notoriété publique que l’acteur aurait mené la vie dure à son réalisateur dont il usurpait l’autorité très fréquemment. Néanmoins on peut remercier la star de nous avoir permis de pouvoir voir au cinéma puis en vidéo une œuvre aussi folle et iconoclaste que Hudson Hawk  !

La critique du film

Hudson Hawk est un film qui démarre sur les chapeaux (ce qui tombe bien vu que le héros en porte durant tout le film) de roues sans jamais vous lâcher à la manière d’un grand huit de fête foraine. Après une ouverture en mode conte de fées où ce cher Leonard de Vinci découvre les secrets des alchimistes, nous assistons à la sortie de prison de Bruce Willis qui est sommé par son agent de probation de replonger dans le crime. Nous ne sommes même pas à 10 minutes que le voici suspendu au-dessus du vide, obligé de travailler pour des mafieux d’opérette interprétés entre autres par Frank Stallone , le frère chanteur de Rocky. Arrivés au premier tiers du film, nous aurons eu tout de même le droit à une course-poursuite en brancard sur une autoroute puis au réveil de notre voleur préféré en plein centre de Rome.

Hudson Hawk est réellement une oeuvre où il est impossible de deviner ce qui se passe dans la séquence suivante tant ses auteurs ont fait preuve d’excentricité, enchaînant les situations loufoques pour surprendre un spectateur qui croyait tout connaître des longs-métrages d’action. Un film totalement fou à l’image de son couple de méchants milliardaires qui ferait passer les adversaires mégalomaniaques des James Bond pour de gentils névrosés. Mix improbable entre le coyote des dessins animés de la Warner et le Satanas des Fous du volant, ils sont interprétés par Richard E. Grant et Sandra Bernhard qui sont totalement survoltés en méchant d’opérette. À leurs côtés, on retrouve James Coburn qui jouait Flint, un pseudo James Bond dans une série de films parodiques des années 60. Alors que les situations invraisemblables se multiplient, il joue avec beaucoup de décontraction un vieux briscard de la CIA qui donne l’impression que tout ce qui se passe autour de lui est tout à fait normal alors que nous sommes dans le délire le plus complet.

Bien sûr, Hudson Hawk est loin d'être parfait. Si la mise en scène est solide, elle manque parfois de personnalité même si on retrouve à la photographie l'expérimenté Dante Spinotti qui a oeuvré sur les films de Michael Mann. Du point de vue de l’histoire, les facilités de scénario sont légions du fait que le film adopte un rythme trépidant. Ainsi, notre héros se jette d’une fenêtre pour échapper à l’explosion de l’appartement où il est retenu alors qu’il est censé ne pouvoir faire le moindre mouvement à cause d’une flèche au curare. Mais franchement, on se moque des défauts car Hudson Hawk sait conter ses péripéties avec panache. Je dirais même que le film fait même preuve d’une désinvolture salutaire quand on le compare au cinéma d’action contemporain. On retrouve ici l’esprit du Charade de Donen en plus bourrin ou de certains films de Richard Lester. À la manière de ces prestigieux aînés précédemment cités, Hudson Hawk se signale par sa volonté de nous offrir un produit sophistiqué qui se joue des genres. Pas vraiment une parodie, ni même un film d’action, encore moins un "heist movie" (longs-métrage mettant en scène un cambriolage), Hudson Hawk est juste une oeuvre inclassable qui ose tout avec des cambrioleurs qui chantent durant les séquences de casse. Il y a une volonté que l’on qualifierait de salutaire de la part des initiateurs du projet de se jouer des attentes des fans de films d’action comme lorsque notre héros fait souvent office de punching-ball pour ses adversaires ou lorsqu’il découvre (attention spoiler) que la jolie héroïne est une bonne soeur. En effet, cette situation rend alors impossible la scène de sexe tant attendue dans ce genre de film.

Il est vraiment regrettable que le film n’ait pas remporté de succès alors qu’il regorge d’idées originales et farfelues absolument tordantes à l’image des scènes avec le tueur nommé Kit Kat qui semble jouer à "Où est Charlie ? " durant la totalité du métrage. Malheureusement, à partir des années 90, le public a commencé à privilégier le cinéma "doudou", demandant à voir et revoir toujours le même film. À cause du bide d’Hudson Hawk , Willis sera boudé par certains studios et devra attendre des années avant de revenir en tête du box-office. Quant au réalisateur Michael Lehmann, sa carrière ne s’en remettra jamais. Il est donc nécessaire de célébrer et de revoir des films comme Hudson Hawk afin de ne pas laisser le cinéma aux mains des services de marketings de Disney qui appliquent de film en film toujours la même formule.

Mad Will