La ruée des vikings est une oeuvre de commande de la société de production Galatea qui avait financé Le Masque du démon de Mario Bava et qui fait de nouveau appel au cinéaste italien pour tourner un long métrage influencé par Les vikings de Richard Fleischer. Un projet qui témoigne de l’habituelle filouterie de pas mal de producteurs italiens qui copiaient les oeuvres marquantes sorties de l’autre côté de l’Atlantique. Le film de Fleicher sorti en 1958 s’étant très vite imposé comme une référence du film d’aventure à sa sortie en 1958, nous avons eu le droit à une déferlante de drakkars dans le cinéma italien à l’aube des années 60.

Si le film de Fleischer était plutôt bien documenté, sa relecture italienne est signée par des scénaristes qui se moquent totalement des faits historiques. C’est un film naïf où les rites vikings et la morale assez puritaine du long-métrage rappellent plus la religion catholique que les divinités nordiques. Il suffit ainsi de voir ces prêtresses vikings qui sont assez proches des nonnes si ce n’est qu’elles portent des tenues très sexy et sont interprétées par deux splendides pin-up allemandes Ellen et Alice Kessler.

 

Comme souvent dans les films de Mario Bava, le budget du film est bien trop faible par rapport aux moyens nécessaires pour réaliser une telle épopée. Mais comme d’habitude, son talent inné de directeur de la photographie et son sens du cadre créent un visuel inoubliable qui donne l’impression que l’italien tourne une superproduction. Dès les premiers plans, La ruée des vikings témoigne du talent pictural de son cinéaste qui est un peintre des couleurs qui nous signent des clairs-obscurs caravagesques absolument splendides. Inondant ses plateaux de lumières et de fumigènes, ce simple péplum avec des vikings devient une œuvre foisonnante et poétique où les processions en hommage à Odin deviennent des ballets multicolores. Comment souvent chez Bava, La ruée des vikings est traversée de visions macabres comme lorsque la caméra de Bava nous dévoile au détour d’un plan, ces deux amants offerts aux vautours. À coup d’éclairages très stylisés et de travelling, Le maestro italien réussit à créer une bataille navale avec un pauvre décor représentant un pont de bateau où trône un mat rachitique. En héritier de Méliès, son cinéma ne cherche pas à être réaliste. Bava est avant tout un peintre baroque passionné par l’artifice, il recourt à une ornementation excessive  afin de créer les images dignes des chefs-d’oeuvre de La Galerie des Offices à Florence.

 

C’est enfin un film qui annonce le giallo (thriller psychanalytique italien) dont Bava signera les oeuvres fondatrices avec La Fille qui en savait trop et Six femmes pour l'assassin. On retrouve ainsi dans ce péplum un long plan sur un couteau ensanglanté ou un piège bien sadique avec une mygale créée par le méchant du film.

Bava était un artiste complet capable de sublimer et de se réapproprier n’importe quelle commande grâce un sens visuel unique. La ruée des vikings est un magnifique livre illustré, puissant et naïf à redécouvrir absolument.

Mad Will

P.S. :  À partir du 3 juillet, les Films du Temple en partenariat avec la Cinémathèque française vous proposent de voir en salles et dans des copiés restaurées La rue de Vikings mais aussi deux autres réalisations du maestro : Six femmes pour l’assassin ainsi que Les trois visages de la peur !