Jean Ziegler est surtout connu en tant qu’ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation qui, de 2000 à 2008, s’est fait la mauvaise conscience des grandes institutions occidentales, en n’ayant de cesse de marteler que chaque être humain qui mourait de faim était assassiné par les politiques économiques iniques qu’elles mettaient en place et laissaient subsister.

   Le suivant aussi bien dans son travail actuel de parlementaire européen que lors d’un voyage privé à Cuba, son ancien élève et documentariste Nicolas Wadimoff revient avec ce rousseauiste invétéré sur sa biographie et nous fait également rencontrer l’homme d’aujourd’hui, toujours aussi habité par le devoir de lutter pour un monde plus juste mais désormais également hanté par la Faucheuse approchante.

   Le portrait qui en ressort est à la fois émouvant et instructif. En effet, il apporte d’abord un regard très humain sur les affects à l’origine de l’engagement intellectuel du Suisse pugnace. On se rend ainsi compte que c’est l’attachement à des personnalités auxquelles il reste fidèle qui lui servent de moteur dans sa mission quotidienne de voix occidentale des sans-voix du Tiers monde. Le documentariste n’en oublie pas pour autant tout pragmatisme et interroge notre auteur d’une quinzaine pamphlets sur les méthodes de travail qu’il a su mettre en place pour s’assurer d’utiliser son énergie le plus utilement possible, mais aussi sur les garde-fous qui lui permettent de résister aux attaques constantes de ses ennemis idéologiques.

   Jean Ziegler, l’optimisme de la volonté, dont le titre s’inspire du célèbre adage d’Antonio Gramsci, montre notre intellectuel que sa sagesse pourrait cantonner au pessimisme politique dans ce qu’il a de plus controversé : son soutien inconditionnel au régime cubain, dont la défense est pour lui non pas un aveuglement mais une stratégie mûrement réfléchie de solidarité révolutionnaire. Nicolas Wadimoff a gardé au montage les moments où l’analyste si lucide des mécaniques économiques a tout d’un coup des yeux et des oreilles très sélectifs, ne cachant rien des contradictions constitutives du grand bourgeois à la conscience toujours intranquille.

F.L.