Le documentaire sur les handicapés est un peu le marronnier du cinéma indépendant. Devant lui, on part souvent déjà à moitié acquis grâce à son caractère inattaquable, et à moitié las à cause de la répétition du plaidoyer. Vincent et moi nous prend alors par surprise, peut-être parce qu'il est moins un documentaire sur une cause consensuelle qu'une déchirante déclaration d'amour et de combat d'un père à son fils, en l'occurrence trisomique. En effet, c'est Édouard, le père de Vincent, qui en est à l'origine et que l'on suit dans sa lutte quotidienne pour que son enfant soit intégré à la vie sociale et même politique de son pays.

   En matière d'intégration des personnes handicapées, la France n'est pas tant en retard sur le droit que sur le fait. A travers son parcours, Édouard Cuer montre comment les parents d'enfants handicapés se heurtent au quotidien à l'aléatoire de la personnalité du responsable de l'établissement ou de l'activité sportive auxquels ils voudraient intégrer leur enfant, conformément au principe d'égalité inscrit dans la loi. Mais l’institution ne se donnant pas les moyens nécessaires pour l’appliquer, celle-là se base trop sur la bonne volonté de chacun pour qu'on puisse dans la réalité forcer quiconque à respecter celle-ci.

   Adorable trisomique toujours généreux, opiniâtre et en demande d'amour, Vincent touche déjà notre corde sensible, et l'intelligence de cœur de son entourage émeut aux larmes. Pour nous submerger encore plus d'émotion, Édouard adopte une élégante démarche politique en donnant à voir l’exceptionnel parcours de son fils au lieu de tourner un violent réquisitoire plein de rancœur ou de plainte. Cela permet de montrer que c'est possible, que les individus qui freinent des quatre fers par une peur ignorante peuvent se rassurer, et que tout peut finalement être simple avec un minimum de volonté. Prévoyez les mouchoirs et préparez-vous à être bombardés d'amour.

F.L.