Nouvel opus très efficace de Marvel, Black Panther peine à convaincre sur tous les fronts, mais reste néanmoins un solide divertissement, un bon film de super héros et une première bienvenue dans l’histoire du cinéma mainstream sur la représentation des noirs au cinéma.

 

A la mort de son père, T’Challa alias Black Panther est couronné roi du Wakanda, un pays africain composé de 5 tribus. Cette nation est devenue l’une des plus avancées de la planète grâce à un matériau extraterrestre : le vibranium. Mais cette technologie hors du commun fait l’objet de beaucoup de convoitise. L’équilibre du royaume s’annonce précaire pour le nouveau souverain.

 

Super héros Marvel crée en 1966 par Stan Lee et Jack Kirby, Black Panther est dans les tuyaux d’Hollywood depuis 1992, date à laquelle Wesley Snipes a commencé à prendre en charge le projet. Plus de 25 après, le voici sur nos écrans avec Ryan Coogler à la réalisation, Chadwick Boseman (42, Get on up) sous le costume et un casting 4 étoiles quasi exclusivement Afro-Américains devant la caméra : Michael B Jordan (Fruitvale station, Creed), Lupita Nyong’o (12 years slave), Daniel Kaluuya (Get out) et Danai Gurira (Michonne de The Walking Dead) entre autres.

 

Le réalisateur de Fruitvale Station retrouve son interprète principal dans cette nouvelle production qui porte en elle beaucoup trop d’attente et d’espoir pour un produit standardisé de studio. Dans un contexte tendu, avec en 2013 l’apparition du mouvement Black Lives Matter, cette adaptation de par son sujet et son super-héros africain impliquait de renverser la représentation des minorités au cinéma. Bien sûr, des super-héros noirs ont déjà eu leur films (Hancok, Blade, Spawn) mais ici Black Panther va plus loin en ancrant son récit au Wakanda, pays d’Afrique riche et surdéveloppé et en mettant à l’honneur, dans un blockbuster, un casting quasi-exclusivement Afro-Américain. C’est d’ailleurs cet aspect qui emporte l’adhésion des critiques, assez unanimes sur le sujet quitte à occulter l’intérêt cinématographique du film. Mais dans ce genre de démarche, il est difficile de séparer l’intention, la communication, le mode de fabrication et la destination du produit. Il faut prendre l’ensemble.

Donc à la question : faut-il se réjouir de ce Black Panther ?

La réponse est oui. Assurément.

 

Déjà parce qu’il est un bon film de super-héros. Plutôt bien écrit, Black Panther développe un environnement très cinématographique avec cette société aux coutumes traditionnelle teintée de haute technologie. Une alliance d’ancestral et de modernité qui porte bien le sujet du film entre héritage culturel et nécessité d’adaptation. Même si on peut reprocher le côté un peu cliché des rituels africains à la sauce Marvel, il aussi possible de voir ça comme un bel hommage aux nombreuses cultures du continent. Globalement, on a une sensation de nouvel univers alors que l’on croyait avoir tout vu dans le monde des super héros. Et surtout, le film s’inscrit complètement dans cette nouvelle société ! Tout n’est pas créé uniquement pour le background du personnage avant de l’envoyer à l’autre bout du monde casser du méchant à Los Angeles. Par exemple, chez la concurrence, Wonder Woman développe un monde d’amazones qui ne fonctionne pas, rapidement oublié lorsqu’il s’agit de parachuter l’indéfectible Diana à l’autre bout du globe pour taper de l’allemand ; Black Panther au contraire place son récit de luttes intestines au cœur de sa civilisation et développe des enjeux qui en découlent.

Le Wakanda est un pays africain riche qui s’est développé grâce au vibranium, un métal extraterrestre. Cette nation est l’une des plus avancées de la planète mais a choisi en contrepartie de se faire extrêmement discrète en se camouflant grâce à une barrière invisible. Une politique isolationniste qui lui permet d’avoir la paix et de conserver ses traditions, mais qui l’oblige à rester sourde à la situation du continent. Elle est défendue par le Black Panther, un guerrier protecteur de la nation, souvent héritier du trône et qui devient super-héros grâce à un rituel : manger une plante qui lui donne des capacités surhumaines. En gros une agilité, une vitesse et une force accrue. D’abord confronté à un trafiquant d’armes amoral (Andy Serkis sous-exploité) très intéressé par le minerai, T’Challa voit bientôt son véritable antagoniste se dessiner. Lui aussi est lié au Wakanda mais son point de vue sur l’utilisation du vibranium est radicalement différent. En opposant la démarche a priori pacifiste et ouverte de T’Challa (mais pas trop c’est Hollywood quand même) à celle violente et vengeresse de son opposant, le film transpose en images la difficulté de la lutte pour les droits entre une certaine diplomatie et l’envie de représailles avec la loi du talion comme boussole. En effet, pour certains la discrétion du Wakanda se mue en complicité des discriminations que subissent les Africains en dehors ou sur le continent. Pourquoi ne pas utiliser la technologie guerrière pour prêter main forte à ceux qui tentent de faire valoir leurs droits mais sont réprimés ? Dans ces problématiques séculaires sur la question de la forme que doit prendre la lutte, difficile de voir autre chose que l’opposition entre Malcom X et Martin Luther King comme l’ont relevé les critiques.

 

Alors on peut bien sûr trouver le résultat petit bras et manquant de consistance mais cela reste Hollywood et du divertissement. Il ne faut pas perdre de vue la démarche commerciale inhérente au projet mais sans non plus tomber dans un cynisme total. Bien sûr que les studios ont fait leur com sur l’aspect rétributeur du film censé combler ce manque cruel d’acteurs noirs au cinéma mais finalement le résultat participe quand même à basculer la représentation. Il semble contreproductif et absurde de vouloir dénoncer un politiquement correct aseptisé plutôt que de se réjouir de ce bon divertissement qui ancre au cœur même de son scénario une dualité importante. Une attitude qui dépasse la bien-pensance et qui se double ici d’une démarche féministe bienvenue avec des rôles féminins plus nombreux et mieux personnalisés (scientifique, guerrière, reine etc) qu’a l’accoutumé. Et la différence crève les yeux au point de faire de l'ombre au héros et à son antagoniste.

Visuellement, le principal défaut vient des décors qui manquent cruellement de naturels et l’on regrette de ne pas voir exploiter certains magnifiques paysages du continent africain remplacés ici par de l’image de synthèses. Une direction artistique qui s'aventure du côté de l'exotisme un peu cliché et baroque mais qui paradoxalement ajoute un aspect quasi opératique cohérent avec cette trame royale où Black Panther autant superhéros en costume que héros-roi sans son armure, doit gérer le lourd héritage de son père et mener le royaume sur une nouvelle voie.

Le reste du film est un enchainement de séquences de combats plus ou moins spectaculaires et plus ou moins convenues avec des moments épiques mais il faut avouer que l’ensemble tient la route et que Black Panther est bien l’un des films le plus efficaces de Marvel. On touche à quelque chose de total, entre le casting féminin qui crève l’écran et Michael B Jordan qui nous offre un supervilain de haut vol à deux doigts de voler la vedette à Chadwick Boseman, la musique supervisée par Kendrick Lamar himself et une mise en scène complétement transparente mais efficace. 

Le public ne s'y est pas trompé et pour l’instant le film cartonne au box-office. Si vous ne l’avez pas encore vu, filez vous faire votre propre avis.