Fiancée à Pablo, un jeune et prometteur ingénieur, Gloria (Delia Garcès) se laisse finalement séduire par Francisco Galván (Arturo de Cordova), un riche homme d’affaires qui a eu le coup de foudre pour elle lors de la messe du jeudi saint. Malheureusement pour la jeune femme, le séducteur se retrouve, aussitôt le mariage prononcé, être un monstre de jalousie.

Buñuel analyse alors dans son film Tourments (El), les mécanismes de la paranoïa qui conduisent cet homme à se méfier de tout, emprisonnant sa femme dans une relation dans laquelle tout se retourne forcément contre elle, quoiqu’elle fasse. Il écorche au passage une société bien-pensante dans laquelle le patriarcat et l’église se confortent mutuellement, renforçant le pouvoir d’hommes comme Galván. Parce qu’il est riche, pieux, et bien en vue, il ne peut qu’avoir raison sur les dires de sa jeune épouse.

Tourments nous donne donc à comprendre comment, dans une telle société, un homme peut resserrer son emprise sur une femme. Buñuel utilise pour cela des effets de mise en scène propre au film noir, faisant monter l’angoisse chez le personnage féminin et bien sûr chez son spectateur. Il n’a de cesse de casser les rythmes, au moyen de ruptures brutales, faisant alterner les moments d’apparente sécurité emplis de déclarations d’amour enflammées, avec des épisodes d’intense paranoïa. D’autre part, en montrant à de nombreuses reprises le personnage masculin dans des lieux élevés, le réalisateur indique que du haut de sa grandeur, Francisco ne peut concevoir qu’il existe d’autres opinions valables que la sienne. Ce personnage n’acceptant aucune critique, les considérant comme pure volonté de lui nuire, tout ce qui lui fait obstacle devra être détruit.

Ce film est donc un métrage dans lequel un Buñuel au meilleur de sa forme mêle adroitement le thriller familial et la critique sociale, un des plus réussi du réalisateur hispano-mexicain.

Laurent Schérer