Choisir de défendre un film du réalisateur mal aimé Kenneth Branagh, c’est comme déclarer sa flamme pour la discographie de Céline Dion ou souligner le talent de paroliers des musclés lors d’une soirée tofu / quinoa des Inrockuptibles. Il est en effet de bon ton de ne pas aimer le réalisateur en raison d’une filmographie jugée académique à travers ses adaptations de Shakeaspeare. Ce serait regrettable tant certaines de ses premières réalisations étaient plutôt réussies, du moins jusqu’à son lacanien Hamlet où il perdit son inspiration et son talent au fur et à mesure de ses nouveaux faits cinématographiques. À l’instar d’un Jean-Jacques Annaud, le réalisateur a aussi souffert d’être trop populaire pour les intellectuels et cérébral pour le cinéma commercial.

Son Henry 5, ou le thriller Dead again méritent vraiment d’être vus aujourd’hui pour apprécier la qualité de sa direction d’acteurs et sa manière très énergique de filmer les dialogues en leur donnant de la vie grâce à sa caméra virevoltante. Mais revenons aux Amis de Peter, réalisation douce-amère qu’il signait à l’aube des années 90.

Je vous entends déjà me rétorquer que les retrouvailles d‘anciens amis, est un sujet éculé du cinéma. Je vous répondrai que le western a donné de nombreux chefs-d’œuvre malgré des histoires vues et revues. Si Peter’s friends est un grand film, c’est qu’il reste le mètre étalon de la catégorie.

Possédant pas mal de films au compteur, j’ai vu les références les plus citées du genre que ce soit Les copains d’abord de Lawrence Kasdan ou Mes meilleurs copains de Jean-Marie Poiré sans oublier Les petits mouchoirs de Guillaume Canet. Pour autant ma préférence va toujours aux Amis de Peter dont l’interprétation made in England me semble un cran au-dessus des autres films cités. Que ce soit Stephen Fry, l’acteur anglais fétiche de Neil Jordan en dandy de la haute société, la toujours juste Emma Thomson en fille coincée, Hugues Laurie ou Kenneth Branagh, ils sont simplement tous excellents. Il faut dire que l’Angleterre a toujours donné au cinéma de grands acteurs que ce soit Laurent Olivier, Oliver Reed, ou bien encore Colin Firth.

Mais surtout Peter’s friends, à la différence Des petits mouchoirs, est un film ouvert sur le monde qui ne se limite pas aux névroses des vacanciers venus envahir le Cap Ferret. Le réalisateur anglais traite ici des évolutions morales, politiques et économiques de son pays. Film sur le thatchérisme, Peter’s friend est aussi une œuvre qui nous parle du Sida. Tout en finesse, jamais démonstratif, le long-métrage milite pour que la parole se libère dans une Angleterre emprisonnée dans ses tabous qui faisait mine d’ignorer le fléau du SIDA, peu ou pas étonnant pour un pays ou l’homosexualité était un crime jusque dans les années 60.

Accompagné par le magnifique You are my best friend signé Queen, Peter’s friends est un film à redécouvrir d‘urgence.

Mad Will