Sortie en 1956, La mort en ce jardin est une œuvre surprenante de [[Personne:590 Luis Buñuel]].  D'emblée, on est intrigué par un générique qui offre sur un fond rouge vif les noms des vedettes, [[Personne:30 Simone Signoret]] (Djin), [[Personne:2976 Charles Vanel]] (Castin), [[Personne:3271 Georges Marchal]] (Chark), [[Personne:1090 Michel Piccoli]] (le père Lizzardi), alors que résonne une composition musicale de [[Personne:12835 Paul Misraki]] alternant roulement de tambour, clairon, et musique espagnole à la guitare, tendre et entrainante.

Il s’agir d’un film d’aventure classique dans sa narration, mais complexe quant à la description des personnages qui sont la plupart du temps corrompus et vénaux, ou du moins ambigus. Seule Maria, la fille sourde et muette pourrait échapper à ces catégories, quoiqu’elle ne soit pas non plus éloignée de céder à la tentation. Cette tentation est l’un des fils conducteurs de ce long-métrage qui traite avant tout de l’argent et du pouvoir. Ce pouvoir qui peut apparaître sous de multiples facettes, sous une forme brute « c’est moi qui dirige ici », ou plus subtile dans la force de séduction de Djin, la prostituée. Il est surtout source de manipulation  quand le spectateur assiste à des revirements d’alliances en fonction des gains supposés à venir.

Situé en pleine Amazonie dans un pays imaginaire jouxtant le Brésil, le film se compose de deux parties, l’une dans un village de chercheurs de diamants en révolte contre un gouverneur qui veut nationaliser leurs concessions, et une deuxième dans la jungle où fuient des personnages que l’on croyait avoir appris à connaître précédemment. En effet Castin et Chark, un bandit aventurier entraîné malgré lui dans l’histoire, sont considéré par les militaires comme les meneurs de la révolte et doivent fuir pour sauver leur peau emmenant avec eux bon gré mal gré les autres protagonistes du récit.

Les thèmes traités sont ceux chers à Buñuel. On retrouve ainsi la thématique de la religion à travers la figure d’un prêtre missionnaire, tour à tour naïf, magnifique, cynique ou vénal. La jungle est vécue ici soit comme un enfer où les fugitifs doivent affronter la pluie incessante, la faim, la fatigue, les insectes ou un serpent , soit comme paradis dans de magnifiques moments de rédemption ou quand les protagonistes découvrent les cadeaux qui leur sont littéralement tombés du ciel. Cette jungle, en effaçant les repères de la civilisation et en premier lieu l’argent, permettra l’expression de la nature des personnages, en bien ou en mal, en fonction de l’espoir ou du désespoir qui naîtra en chacun d’eux.

Buñuel  mène le spectateur par le bout du nez, le film jusqu’à sa fin ne laissant aucune place à une action ou un comportement prévisible, sans possibilité de définir une leçon ou une vérité que le spectateur pourrait extraire du film. Celui-ci devra se contenter de cette incertitude qui se prolonge au-delà de la fin ouverte du film qui induit un futur hypothétique et pas forcément heureux pour les survivants de l’histoire.

Il serait dommage de passer à côté de la ressortie en salles de ce curieux film, unique en son genre, y compris dans la filmographie de Buñuel.

L.S.