Quand on parle des chefs-d'oeuvre du Studio Ghibli, on cite en général toujours les mêmes : Princesse Mononoké, Le Voyage de Chihiro, Le Tombeau des Lucioles et parfois Mon Voisin Totoro. Il y en a pourtant un autre, souvent oublié à tort, mais qui fut le tout premier film d'animation du studio japonais à connaître une sortie en salles françaises, l'histoire du cochon volant :  Porco Rosso !

L'action se déroule dans une Italie fantasmée du début des années 30. Sur la mer adriatique, un paquebot est en croisière lorsqu'il est attaqué, en pleine mer, par un hydravion de pirates du ciel. Plus bêtes que méchants, ces pirates font main basse sur les objets de valeur et prennent en otage des petites filles. Heureusement, celles-ci n'ont pas bien conscience du danger et y voient matière à aventures. Dès qu'il apprend la nouvelle, le mercenaire au grand coeur Porco Rosso saute dans son hydravion à la poursuite des affreux. Ancien pilote de guerre, l'homme devenu cochon est le meilleur pilote de l'Adriatique avec la réputation de ne jamais tuer ses adversaires. Il ne lui faudra que quelques manoeuvres pour sauver les petites et entamer l'ego des pirates qui fomentent déjà leur vengeance et engagent Jimmy Curtis, un As Américain.

Plus que tout autre film d'animation du studio Ghibli, Porco Rosso est un extraordinaire film pour les enfants. Le scénario, assez simple en somme, alterne brillamment la comédie, l'aventure, et la grande poésie, grâce à ses nombreux personnages ciselés tous aussi sympathiques que captivants. Le film captivera de même les parents grâce entre autres à la profondeur des dialogues, magnifiquement doublés en français d'ailleurs. Tandis que l'enfant verra les rutilantes batailles aériennes et la bravoure de la mécano de Porco, l'adulte saura lire la montée du fascisme et de l'antimilitarisme, et ressentir l'amertume du spleen des amours perdues.

Porco, anciennement Marco quand il était encore un homme inclus au monde, est un héros maudit. Un survivant de la guerre de 14 qui a vu ses amis et ennemis tomber pour le compte d'une société malade et affreuse. Doublé par Jean Réno, il incarne peut-être cette vieille Europe qui ne veut plus jamais ça alors que son rival américain ne cherche qu'à en découdre pour prouver qu'il est le plus fort. Derrière une relation bravache se dessine deux visions de la vie qui s'opposent mais qui existent conjointement chez Hayao Miyazaki, à la fois marqué par la guerre mais fasciné la technologie qui a semé la mort.

Chose rare dans les films de Ghibli, le personnage central est masculin. Pour autant les femmes n'y sont pas laissées de côté. En effet, Porco ne pourrait rien faire dans cette histoire sans Gina ni Fiona. Gina est la patronne de l'hôtel Adriano où tous les pilotes, amis comme ennemis, se regroupent en terrain neutre. Elle est à la fois la mère aimée de tous, et la femme sacrifiée qui a perdu trois hommes à la guerre. C'est certainement pour elle que Porco reste en vie mais il ne peut lui avouer son amour. Fiona est quant à elle une jeune fille qui deviendra la mécano de Porco et qui dirige une équipe entièrement composée de femmes pour réparer l'avion du pilote lorsque celui-ci est endommagé. Elle n'est pas seulement un personnage féminin qui aide le héros masculin à vaincre, elle est surtout une jeune fille qui se réalise dans sa carrière. L'avion qu'elle redessine et répare pour le compte du pilote, c'est l'affirmation de sa volonté et de sa réussite dans la voie qu'elle a choisie. Il n'y a guère besoin d'expliquer à quel point le choix de faire d'une jeune femme une ingénieure en aéronautique d'avions de combat en 1992 au Japon était un choix affirmant la position féministe de Myazaki. 

Pour conclure, Porco Rosso est un film formidable à tout de point de vue, qui permet de nombreux niveaux de lectures et permettra, aux petits comme aux grands, de passer un moment magique. Embarquez dans le zinc de Marco !

Gwenaël Germain.