Il était une fois un réalisateur qui rêvait d'adapter les récits de Rudyard Kipling (Le Livre de la jungle...) alors qu'il menait une vie d'aventurier au côté de Pancho Villa. Alors qu'il était au crépuscule de sa carrière, ce souhait devint une réalité avec l'adaptation de la nouvelle l’Homme qui voulut être roi en 1975. Pour réussir ce projet, il décida de réunir devant sa caméra, le gratin des acteurs cinéma britanniques avec Sean Connery et Michael Caine. Un choix de casting plutôt amusant quand on sait que Michael Caine joua dans les années 60, un concurrent de James Bond par le biais du personnage Harry Palmer apparu dans Ipcress, danger immédiat. 

L'homme qui voulut être roi est tout simplement la quintessence du cinéma d’aventures. On retrouve ainsi un trésor dissimulé dans un temple caché, un territoire oublié, des cartes, une princesse envoûtante, et des chutes d’eau dignes du Temple du soleil d’Hergé. Nous sommes ici invités au voyage et à l’exotisme, grâce à l’utilisation de décors grandioses. Ce long-métrage filmé dans de magnifiques sites marocains, nous dévoile ainsi un Kafiristan de légende par le biais de splendides extérieurs. Il faut noter que John Huston avait déjà fait le choix d’un tournage en extérieur avec African Queen dans les années 50, à une époque où le studio était privilégié à Hollywood, en raison d’un matériel de prise de vue imposant et peu maniable. L'homme qui voulut être roi profite des avancées technologiques en matière de prise vue dans les années 70, avec une caméra mobile qui nous fait traverser de gigantesques cités fourmillantes de vie. Pour donner à ses images un certain gigantisme, Huston use avant tout de la profondeur de champ. Il place ses acteurs loin de son objectif pour en faire de minuscules silhouettes égarées dans des décors imposants qu’il filme en plan grand ensemble. On retrouve ainsi le souffle épique d'un David Lean et de son cultissime Lawrence d'Arabie dans les scènes de batailles ou s'affrontent des milliers de figurants. Si David Lean était un cinéaste romanesque qui mettait en valeur les idéaux de ses personnages, les héros de Huston restent des hommes de la rue qui se sont élevés tout seuls. Voleurs, manipulateurs, Caine et Connery peuvent faire preuve d’un grand sens de l’honneur quand on aborde la franc-maçonnerie dont ils sont membres. Courageux, parfois moralistes, ils sont cependant capables d’actes assez ignobles comme lorsque Michael Caine jette un passager indien hors du train. L'homme qui voulut être roi est au final l’histoire de deux hommes qui veulent à tout prix échapper à un monde moderne qui n’a plus besoin d’eux. Nos deux gaillards ont bien conscience qu’un destin tragique les attend. Mais ils préfèrent partir à l’aventure que de devenir les héros des Désaxés, le western crépusculaire de Huston, où les cowboys sont voués à devenir l’ombre d’eux même et disparaître dans l’Amérique de l’après-guerre.

Suggérés par Paul Newman qui avait été envisagé à un moment pour jouer dans le film, Caine et Connery sont tout simplement fabuleux. On sent que l’amitié entre les deux hommes n’est pas feinte. L’ancien 007 est impérial en aventurier viril qui finira par se convaincre d’être une divinité, prenant goût à un certain mysticisme. De l’autre côté, Caine joue le plus malin des deux. Il est la parfaite incarnation du méchant garçon qui singe les bonnes manières, mais n’oublie jamais qu’il vient du peuple. Les deux interprètes à la carrière plus qu’impressionnante considèrent encore et toujours le long-métrage de Huston comme leur préféré.  Nous sommes bien obligés de leur donner raison quand on pense à la bouleversante séquence du pont où ils font face à la mort et entament The Son of God Goes Forth to War.

Un classique de l’aventure porté par une partition musicale de haute volée signé Maurice Jarre qui mêle musique arabisante et envolées épiques. Une œuvre indémodable, preuve une fois encore du génie de Huston qui nous a offert tant de classiques. L'homme qui voulut être roi occupe tout simplement une place de choix dans mon panthéon cinématographique. Un film qui fait rêver, rire et pleurer, réfléchir, tout simplement un monument du cinéma.

Mad Will