Tharlo (Shide Nyima) mène une existence paisible avec son cheptel de moutons dans la montagne tibétaine, éloigné des mondanités de la ville. Sa vie bascule le jour où les autorités chinoises imposent à chaque citoyen de la République Populaire la possession d’une carte d’identité. A la ville où il se rend pour réaliser la photo qui figurera sur le précieux document officiel, il rencontre une jeune coiffeuse (Yangshik Tso) avide de voyages qui se lance dans une opération de séduction intéressée…

   Toutes les transformations que la coiffeuse consumériste va imposer au berger pétri de valeurs traditionnelles servent évidemment de métaphore à Pema Tseden pour représenter sur un second niveau de lecture l’acculturation chinoise que subissent les Tibétains. Le jeune réalisateur, premier Tibétain à intégrer la section réalisation de l’Académie du Film de Pékin, est en effet très investi dans la défense de sa culture que le colonialisme chinois étouffe depuis l’annexion du Tibet à la Chine dans les années cinquante. Pour ce faire, il défend un cinéma doublement démystificateur, qui offre une alternative au double écueil de l’idéalisation et de la diabolisation de cette région se prêtant si bien aux fantasmes les plus divers. Grâce à ses longs plans-séquence savamment stylisés par leur photographie en noir et blanc et leur cadrage audacieux, Pema Tseden nous offre un voyage contemplatif dans les deux faces du Tibet moderne : la montagne où subsistent les traditions ancestrales et la ville où la culture du divertissement planétaire règne en maître incontesté. Plus universellement, en se centrant sur le personnage de Tharlo, il construit également une fable noire sur une oie blanche que la ville transforme en dindon de la farce.

   Une tragique fresque tibétaine.

F.L.