Avatar : la révolution 3D...

J’entends déjà les détracteurs du film s’offusquer à propos de cette dernière affirmation. En effet, la 3D est aussi vieille que l’invention de la photographie qui usait déjà de la stéréoscopie. De la même manière, l’industrie du cinéma a régulièrement proposé durant toute son histoire des films en 3D, citons pêle-mêle La créature du lagon noir, Bwana Devil dans les années 50 ou bien des longs-métrages comme Amityville 3 et Les dents de la mer 3 dans les années 80.

Pour autant, c’est bel et bien Avatar, le plus gros succès du cinéma à ce jour, qui a popularisé cette technologie. Pour comprendre l’approche de James Cameron dans son film, je vais oser un parallèle entre celui qui n’a cessé d’innover dans son cinéma et Steve Jobs le papa d’Apple. Quand Jobs lance l’iPhone en 2007, il n’invente rien puisque l’on doit le premier Smartphone à IBM avec le IBM Simon en 1992. De même, quand il a lancé le premier ordinateur avec interface graphique à l’aube des années 80, il a copié en partie les travaux de Xerox. De toute façon, Steve Jobs n’était pas un grand informaticien (c’était son comparse Steve Wozniak le technicien de la bande). L’homme, selon ses propres mots, était plus une sorte d’artiste qui avait la capacité de comprendre l’air du moment.  Si les machines créées par Jobs ont redéfini les standards de l’informatique, la bureautique ou la téléphonie, c’est qu’elles étaient parfaitement pensées, au point techniquement, et correspondaient aux besoins des utilisateurs.

Cameron n’agit pas autrement avec Avatar. Il sait pertinemment qu’avec l’avènement du numérique sur les plateaux et dans les salles, il est enfin possible de pouvoir projeter dans les salles du monde entier des films en 3D qui ne connaîtront pas les des problèmes techniques liés à la pellicule et aux projecteurs 35mm. L’intelligence de Cameron, qui révolutionna auparavant le cinéma avec les images de synthèse dans Terminator 2, fut d’utiliser une technologie quand elle était au point pour porter sa vision. Terminator 2 et ses images générées par ordinateur sont un parfait exemple du génie du bonhomme. Tout comme pour Avatar, la technologie existait auparavant. Un film comme Le secret de la pyramide usait déjà d’images générées par ordinateur. Pourtant, Cameron fut le premier à mettre en lumière les possibilités offertes par l’informatique pour créer des visuels inédits. Encore maintenant son Terminator en métal liquide n’a pas pris une ride. À la suite des aventures de John Connor, l’esthétique créée par Cameron sur Terminator 2 fut souvent imitée dans les années 90. On pense entre autres au Cobaye… Le résultat à l’écran fut une catastrophe. Faute de talent. Il faudra un autre grand cinéaste, Steven Spielberg, pour nous démontrer à nouveau les possibilités offertes par l’image de synthèse sur Jurassic Park

Le constat est le même concernant le cinéma en relief. Après la sortie d’Avatar, presque aucun réalisateur n’a su proposer des images dignes de celles de Cameron. Avec Avatar, ce dernier nous invitait à découvrir un cinéma plus sensitif, plus immersif, qui privilégiait le ressenti par le biais d’images en 3 dimensions. Treize ans plus tard, la porte ouverte par Cameron s’est « pour l’instant » refermée. Utilisant le procédé comme un gadget, ne pensant jamais à son usage en termes cinématographiques, la plupart des autres films en 3D se sont avérés incapables de gérer cette évolution du langage cinématographique. La raison est simple, si James Cameron a su créer le porte-étendard du film en 3D, c’est tout simplement parce qu’il est l’un des meilleurs réalisateurs au monde ! Pour preuve, depuis Avatar, les deux seules autres références dans l’usage de la 3D sont le Hugo Cabret de Scorcese et le Tintin de Spielberg. Deux films signés par des mastodontes du cinéma qui ont compris tout comme Cameron que le cinéma c’est de la mise en scène.

L’image de synthèse a fini par s’imposer sur les années après la sortie de Terminator 2, on peut envisager que Cameron ait vu juste avec la 3D et qu’elle finira aussi pas s’installer.

Vous me direz la technique c’est bien, la mise en scène c’est important, mais faut-il encore avoir une histoire à raconter. À ce titre, Avatar fut décrié par certains critiques qui ont trouvé son histoire trop simple. C’est un avis que je ne partage pas. Une fois encore, c’est sous-estimer le savoir-faire de Cameron qui est pour moi l‘un des meilleurs raconteurs d’histoire du cinéma contemporain. Tout comme dans Titanic, la simplicité du récit de Cameron dans Avatar n’est qu’apparente. Avatar est même peut-être son long métrage le plus ambitieux en matière de narration. En effet, ce dernier est un film monde où le réalisateur développe dans chacune de ses images un écosystème, une culture, une langue. L’ambition était démesurée, mais pour autant le cinéaste a réussi son entreprise grâce à une histoire qui use de figures mythologiques connues de tous (la figure de l’élu, la princesse guerrière, les légendes indiennes…) pour mieux développer une œuvre à la fois politique, métaphysique et anthropologique., Cameron est un réalisateur qui parvient à nous expliciter avec une facilité déconcertante des concepts casse-gueules sur le papier. Ainsi pour permettre au spectateur de comprendre l’écosystème qui régit Pandora, il a une idée de génie : construire un récit autour d’un homme qui va prendre possession d’un être sur cette planète et qui devra apprendre comment vivre dans ce «nouveau monde ».

Enfin, la notion d’avatar dans le film permet à Cameron de traiter de la virtualité. Son long-métrage réussit ainsi à nous faire ressentir les sensations vécues par les joueurs de jeux vidéo quand ils plongent dans un autre univers. Alors que le virtuel est au centre de nos interactions et de nos modes de vie, Avatar est l’un des rares films avec Ghost in the Shell et Avalon de Mamoru Oshii à s’être intéressé à cette question de façon pertinente.

Depuis le Star Wars de l’ami George Lucas, personne n’avait réussi à créer un univers de SF entièrement neuf. James Cameron a réussi cet exploit. Avatar est tout simplement un chef-d’œuvre à revoir en salles cette semaine en attendant sa suite en décembre 2022.

Mad Will