Les Polonais se sont rués en masse pour voir le film d’Agnieszka Holland Green Border. Par la suite ils ont changé de gouvernement. Faut-il voir en cela une relation de cause à effet ? On n’en sait rien, mais on peut néanmoins supposer que ce drame aura éveillé les consciences polonaises quant au traitement inhumain et illégal infligé aux réfugiés arrivant de Biélorussie. Primé par le prix spécial du jury à la dernière Mostra de Venise, on ne peut qu’espérer qu’il aura la même réception en France. Mais il semblerait que ce ne soit pas le cas au vu du petit nombre d’entrée réalisé par ce film en première semaine (seulement un peu plus de 18 000).

Les Polonais ont accueilli à bras ouvert plus de deux millions de réfugiés ukrainiens. Ils n’ont pas pour cela subit une dégradation de leur cadre de vie. Les Allemands avaient en leur temps accueillis plus d’un million de réfugiés syriens, afghans et autres habitants de pays plus lointains. Il n’y a pas eu de séisme dans l’économie allemande. La France continue cependant à refouler les réfugiés venant par l’Italie ou par la méditerranée. Le partis politiques rivalisent entre eux dans leur volonté de mener la vue dure aux voyageurs contraints. Pour quel résultat ?

Dans Green Border Agnieszka Holland dénonce clairement cette politique du rejet de l’étranger, décrivant les souffrances de ces êtres réduits à l’état de « balles humaines » par un cynique jeu de ping-pong entre le gouvernement dictatorial biélorusse de Loukachenko et le régime d’extrême-droite polonais de l’époque. Elle met en avant le courage des activistes qui, eux, font preuve de la plus grande humanité. C’est bien à cette humanité que les Polonais ont été sensibles. Le serons-nous aussi ?

En utilisant le noir et blanc, la réalisatrice cherche à donner à sa fiction des allures d’images d’archives. Parce qu’au final quel que soit les régimes qui séviront en Europe durant ce siècle, c’est bien cela que retiendra l’histoire : le début du XXIème siècle aura été une période sombre pendant laquelle des dizaines de milliers de personnes seront mortes faute d’avoir été dignement accueillies dans nos pays qui avait pourtant largement de quoi les nourrir, les soigner et accepter leur force de travail. Honte à nous !

 

Laurent Schérer