Dans Stella une vie allemande, le réalisateur allemand Kilian Riedhof porte à l’écran une partie de la vie de Stella Goldschlag, une femme allemande de confession juive qui, entre 1943 et 1945 a dénoncé de très nombreux juifs aux nazis.

Née en 1922, passionnée de jazz, et rêvant de faire carrière en Amérique, Stella voit ses espérances réduites à néant par le régime nazi. D’abord impliquée dans la résistance, elle collabore ensuite activement avec la dictature. Le réalisateur la suit jusqu’à son procès en 1957, qui a eu lieu à son retour d’URSS où elle a été internée 10 ans.

Il analyse par quels mécanismes les nazis ont pu retourner des individus contre leur peuple et comment une telle ignominie a pu perdurer. Car ne nous trompons pas, il ne s’agit pas seulement de pointer du doigt la dérive d’une femme, qui se révèle à la fois victime et bourreau, mais aussi de mettre en lumière un système pensé pour broyer physiquement et intellectuellement les individus. Ce film nous interroge à propos de systèmes qui, une fois mis en place, peuvent difficilement être écartés. Il est une mise en garde au spectateur au sujet d’une question que l’on aimerait trop souvent balayer sous le tapis, mais qui est d’une totale actualité au vu de la montée des totalitarismes dans le monde et en Europe. Violence et endoctrinement sont les piliers des dictatures.

Paula Beer qui incarne Stella est ici exceptionnelle, incarnant avec brio une personnalité habitée, d’abord par sa passion du jazz, puis par une haine farouche du nazisme, et enfin par la volonté de sauver ses parents coûte que coûte. Personnage complexe, portée dès l’origine par une forte ambition, Stella est aussi dénuée de valeur morale, recherchant à maintes reprises à privilégier ses propres intérêts. Le réalisateur réussit, en la plaçant au centre du cadre et de l’action, à donner cette impression de force imposante, envahissante et débordante, donnant de la crédibilité aux terribles actions du personnage.

Au final, Stella une vie allemande est le portrait sombre mais lucide d’une femme prise dans la tourmente. À nous de veiller à ce que dans un futur proche notre société n’accouche pas elle-même de tels personnages. Un film glaçant mais nécessaire, aux antipodes de notre zone de confort.

Laurent Schérer