Sélectionné pour « un certain regard » lors du Festival de Cannes 2023, Un hiver à Yanji du réalisateur singapourien Anthony Chen raconte l’histoire de trois jeunes gens, perdus chacun à leur manière, dans une petite ville à la frontière de la Chine avec la Corée du Nord. On apprendra progressivement à les connaitre au fur et à mesure du déroulé du scénario.
Nous faisons connaissance tout d’abord d'Haofeng (Liu Haoran), un habitant de Shanghai, venu fêter le mariage d’un couple ami, mais qui semble mal dans sa peau. On découvre aussi Nana (Zhou Dongyu), guide touristique par nécessité alimentaire, et Xiao (Chuxiao Qu), qui travaille dans le restaurant de sa tante. Les chemins de ces trois jeunes adultes se croisent lors d’une soirée bien arrosée. Lorsque Haofeng perd son portable et rate son avion, le trio décide alors de passer quelques jours ensemble. À cette occasion chacun se remémore sa jeunesse, le chemin déjà parcouru, cherchant à visualiser celui qui s’ouvre devant lui, faisant le tri dans les émotions complexes qui l’habite.
On ressent tout au long du film une grande empathie du réalisateur envers ses personnages. Il les accompagne dans leurs errances, tant spatiales que psychologiques, s’interrogeant sur ce qui crée le lien entre eux et ce qui guide leurs choix respectifs. Anthony Chen les mène ainsi de l’arrière-salle d’un restaurant aux magnifiques paysages du mont Changbai et du lac du Paradis, de l’idée de suicide à l’acceptation de la vie.
Mais comment des liens se créent-ils entre des êtres, se resserrent ou se dénouent ? Il suffit parfois de pas grand-chose. Comment savoir quelle voie emprunter ? Faut-il s’y risquer lorsque l’un nouveau chemin se présente devant vous ? Comment savoir s’il ne s’agit pas d’une impasse ? Le film montre qu’on ne peut connaitre l’avenir, mais que la confiance (en soi ou en ses proches) est à chaque fois nécessaire pour avancer dans la vie. Sans répondre précisément aux questions que se posent les personnages, le réalisateur nous fait comprendre que les moments partagés ensemble seront constitutifs de leur personnalité à venir et resteront dans leurs souvenirs comme un moment important de leur vie.
Un très beau film tout en nuances, pas forcément facile à aborder, mais qui permet de réfléchir et de croire dans un avenir même quand la situation est déprimante, désespérante, voire désespérée. Une note d’espoir pour la jeunesse chinoise.
Laurent Schérer
