Fascinant, éblouissant, passionnant, on ne sait lequel de ces adjectifs conviendrait le mieux pour qualifier le nouveau film de Barbet Schroeder. Au cours de sa longue carrière cinématographique, celui-ci a toujours réalisé d’excellents films, mais Ricardo et la peinture est une œuvre réellement captivante à voir absolument.

Pourtant, la forme en est très classique. Alors qu’est-ce qui provoque cet engouement ? D’abord, le sujet, la peinture de Ricardo Cavallo, extraordinaire dans sa lumière et dans sa conception originale. Le peintre réalise en effet de grandes fresques à l’aide de petites plaques de bois soigneusement préparées qu’il installe par quatre sur son chevalet planté en pleine nature. De retour chez lui, il reconstitue son tableau façon puzzle. Ensuite, l’homme lui-même, un passeur amoureux de son art qui éveille la curiosité chez les autres. Il nous laisse découvrir sa vie par petites touches, et sa voix chaude, généreuse et envoûtante nous accompagne tout au long du film.

Exilé d’Argentine en 1976, Ricardo Cavallo débarque à Paris, ou plutôt à Neuilly, dans une chambre de bonne, couchant à même le sol, mangeant du riz à ses trois repas et gagnant de quoi survivre en faisant trois heures de ménage quotidiennes dans les bureaux des avenues parisiennes. Il peint en intérieur des natures mortes, mais aussi des vues de la ville en plongée de son balcon, et surtout, il se déplace au bois de Boulogne pour être au contact avec la nature vivante et les arbres qu’il adore.

Mais rapidement, il ressent le besoin de solitude et déménage en Bretagne à Saint-Jean du Doigt où il peint et habite toujours. C’est ici qu’on le rencontre au début du film. Par la suite,  le peintre se fait didacticien, nous confiant volontiers ses sources d’inspiration et ses commentaires sur ses œuvres préférées. On revisite ainsi l’histoire de la peinture, depuis la grotte Chauvet jusqu’à Picasso en passant par Velasquez et Monet. Temporairement, Ricardo quitte la Bretagne pour les besoins du film, le réalisateur le suivant alors dans son périple artistique. Ricardo retrouve ainsi les peintures qui lui ont été achetées et visite les musées où sont exposées ses œuvres préférées.

Ricardo cherche également à transmettre sa passion aux plus jeunes. Il a ouvert une école de peinture dans son village, cherchant, non à découvrir un artiste, mais à révéler en chacun ses propres capacités créatives et d’observation. Barbet Schroeder a su capter les préoccupations de ce peintre, son environnement et sa grande humanité, qui n’est cependant pas incompatible avec son besoin de solitude. Il l’interroge sur ses gouts en matière de lecture ou de cuisine, et Ricardo se livre volontiers. C’est peut-être cela qui, finalement, emporte l’adhésion du spectateur. On découvre un homme simple, mais passionné, humble, attentif au bien-être de ceux qui l’entourent, ouvert, chaleureux et accueillant.

L’enthousiasme pourrait nous emporter loin, mais pour clore cette critique, une fois n’est pas coutume, je vous livre la fin du film avec la phrase sur laquelle il se termine : « Ce serait bien de pouvoir continuer dans ce bonheur tous les jours ».

Bref, un film vivant, capital pour tous les amateurs de peinture. Dans le cas contraire, ils le deviendront sans doute grâce à deux heures d’émerveillement garanti.

Laurent Schérer