Mars Express est un polar cyberpunk d’animation destiné aux adultes et signé par Jérémie Périn. Précédemment aux commandes de la saison 1 de la série Lastman, il a repris une partie de son équipe pour fabriquer cette nouvelle réalisation.

Ce film policier d’une grande richesse narrative situe son action futuriste dans la ville martienne de Noctis. Même si l’on trouve de nombreuses références aux œuvres de grands auteurs de science-fiction (romans, films ou bande dessinée - Isaac Asimov, Philippe K.Dick, Stanley Kubrick, Moebius, entre autres), celles-ci ne sont pas pesantes, la création de Jérémie Périn restant totalement originale. Il a ici imaginé un monde dans lequel les corporations commerciales dominent une planète Mars où la nature et la biodiversité sont égales à zéro, et dont les habitants sont autant des humains que des robots. Nous croisons ainsi des cyborgs, des humains augmentés et faisons face à d’autres avancées technologiques pas si éloignées de notre monde actuel. Pour imaginer la vie sur Mars Jérémie Périn a collaboré avec des scientifiques pour donner un certain réalisme aux décors, travaillant avec des spécialistes de la planète pour imaginer le meilleur endroit pour fonder une colonie humaine ou faisant appel des ingénieurs pour le design des voitures. De plus, le réalisateur donne de l’épaisseur à son monde en évoquant l’existence d’une Histoire martienne. Les héros parcourent en effet à un moment du film des galeries et abris enfouis au fond des canyons, qui ont permis aux premiers colons de survivre en attendant la création d’un dôme protecteur nécessaire à l’installation d’une ville sur Mars.

L’intrigue suit une paire d’enquêteurs, Aline Ruby, une humaine, et Carlos Rivera, un androïde créé à partir d’un compagnon d’armes d’Aline décédé depuis cinq ans et « ressuscité » avec ses souvenirs. Ils sont confrontés à une vague de « déplombage » de robots, qui, une fois libérés des contraintes des lois de la robotique, peuvent être dangereux pour les humains. Dans ce monde hyperconnecté, où règne l’Intelligence Artificielle, le rêve des GAFA, nos enquêteurs découvrent un « Take over », programme implanté comme un virus qui va prendre le contrôle de la machine infectée.

À  partir d’un cas isolé, Aline et Carlos vont au fur et à  mesure de leur enquête remonter à l’origine du mal et aux donneurs d’ordres, qui, bien sûr, chercheront à leur mettre des bâtons dans les roues.

Bien qu’il (ou parce qu’il) ne s’attache pas à décrire par le menu le fonctionnement des technologies mises en œuvre, Jérémie Périn réussit à nous rendre son univers crédible, ce qui permet aux spectateurs de s’intéresser au plus près à l’intrigue et aux personnages.

Le film est aussi traversé par les questions classiques de la SF sur l’identité. Les androïdes sont-ils des personnes ? Ont-ils des droits ? La métaphore politique n’est pas loin.

Enfin, le réalisateur mélange habilement des moments de haute tension ou de réflexion avec des pauses poétiques ou humoristiques. Il est amusant par exemple de voir les robots s’arrêter à des moments cruciaux parce qu’ils sont en train de télécharger une mise à jour. Qui n’a pas vécu cela ?

Quant aux graphismes, Jérémie Périn a choisi de dessiner à la main les humains en 2D, tandis que les robots le sont réalisés en 3D grâce à des logiciels. Ce choix est cohérent  et permet l’expression d’émotions variées sur les visages des personnages qui les différencient  des habituelles représentations normées du manga ou de l’animation industrielle.

Durant toute la durée du film, le suspense est à son paroxysme, et la fin (que je ne dévoilerai pas ici) est à la hauteur des enjeux de la traque.

Bonne séance !

Laurent Schérer