Mona (Eiman Yousif) est une femme Soudanaise, d’origine arabe, riche. Elle a toujours vécu dans le nord du Soudan à l’abri dans sa maison entourée de hauts murs dans le quartier musulman. Julia (Siran Riak) est une femme noire, pauvre, venue du sud du Soudan où sa famille ne trouvait pas de ressources. Leur seul point commun est qu’elles sont toutes les deux des femmes fortes.

Au moment où le destin du pays s’engage vers la partition, Mona, en conduisant, renverse l’enfant de Julia et, paniquée, prend la fuite. Majier (Ger Duany), le mari de Julia, la poursuit et Akram (Nazar Gomaa), l’époux de Mona, prenant Majier pour un « bandit » le tue. Mona cherche alors à réparer l’irréparable en engageant Julia comme domestique afin de lui assurer un revenu pérenne.

Dans un contexte ou la ségrégation sociale se combinant à la ségrégation raciale et religieuse, finira par conduire à la partition du pays, le réalisateur soudanais Mohamed Kordofani signe avec Good bye Julia un film sur le mensonge et la peur, qui constituent des obstacles à la réconciliation.

Parce qu’elle craint que son mari ne demande le divorce, Mona ne lui dit pas tout. Mais du même coup ne perd-elle pas sa confiance ? De son côté, celui-ci ne se cache-t-il pas derrière d’illusoires prétextes ? En voulant protéger Julia, Mona parvient-elle à la sauver ? Peut-on mentir ? Faut-il mentir ?  Tout dépend de l’intention première, est-il dit par un des protagonistes du film, mais celle-ci est-elle la même pour tous si les points de vue ne sont pas partagés ? Ne devrait-on pas, dans tous les cas, connaitre la vérité, même si elle fait mal ?

Le long-métrage soulève de nombreuses questions à travers une situation complexe, exacerbée par l’actualité brûlante pendant laquelle les esprits s’échauffent facilement. L’histoire de Mona et Julia est à lire alors à l’aune de la séparation, les mots « Goodbye Julia » signifiant aussi un adieu au Sud Soudan.

Mohamed Kordofani signe ici surtout un film féministe, car si les hommes sont très monolithiques, les portraits de ces deux femmes, cadrés à égale distance, sont en revanche beaucoup plus subtils. En effet, ces femmes œuvrent à construire une voie vers la discussion et la réconciliation, suscitant ainsi l’empathie du spectateur. Le cinéaste met alors en lumière la nécessité de pouvoir exprimer librement ce que l’on ressent et d’écouter ce que l’autre a à dire.

Quant à la réalisation, de facture classique, elle met en évidence les oppositions grâce à l’image du chef opérateur sud-africain Pierre de Villiers qui joue entre l’intérieur à la lumière tamisée de la maison de Mona et l’extérieur éblouissant, espace initial de vie de Julia, où a eu lieu la tragédie première.

Premier film soudanais à entrer dans la sélection officielle de Cannes, Goodbye Julia mérite amplement qu’on le découvre en salle.

Laurent Schérer