Un marquis français en mission diplomatique tombe en rade dans la campagne slave. En attente d’un nouveau moyen de transport, il trouve refuge dans une famille de paysans. Un petit coup de cœur pour la belle et étrange Sdenka atténue à peine le choc des cultures, tandis que ses hôtes visiblement rongés d’angoisse attendent le retour de leur père Gorka, parti chassé les Turcs. Celui-ci finit par revenir, mais le voyage a réveillé chez lui un appétit nouveau, pour le moins dévorant…

Adaptation de la nouvelle La Famille du Vourdalak d’Alekseï Tolstoï (à ne pas confondre avec son lointain cousin, l’illustre Léon), le premier film d’Adrien Beau s’amuse à puiser dans le folklore européen. Avec son générique en lettres gothiques rouges, son angoisse diffuse et son érotisme morbide, le film fleure bon la série B et le cinéma fantastique des années 70 — des films de la Hammer à ceux de Jean Rollin ou de Walerian Borowczyk. Fidèle à l’œuvre originale, le réalisateur propose un retournement de la figure classique du vampire : de dandy romantique et maudit, le Vourdalak n’est plus qu’un ignoble paysan décharné, parti faire la guerre aux pilleurs pour revenir atteint d’un mal étrange dont ses proches, pourtant avertis, auront du mal à accepter la réalité.

En tentant comme il peut de dépasser son statut de petit film fauché, Le Vourdalak fait preuve d’une certaine inventivité, prenant le parti d’effets spéciaux artisanaux pour déployer son imaginaire de conte. Ainsi la figure du Vourdalak lui-même, ce monstre vampirique sur l’apparence duquel on ne dira rien, histoire de ne pas gâcher la surprise. De toute manière, celle-ci arrivera assez tôt, lors d’une sympathique scène de repas dans le jardin, le père tant attendu retrouvant enfin ses enfants, non sans leur avoir apporté un petit cadeau sanguinolent — tout cela sous les yeux du noble effarouché.

Dès le début du film, la mise en scène se plaît à adopter le point de vue du marquis égaré chez les rustres paysans, découvrant leur quotidien marqué par les superstitions et les vieilles légendes. De cette façon, elle fait de lui un double du spectateur, témoin malgré lui des événements macabres qui ne vont pas tarder à frapper la petite famille. À partir de là, la suite est relativement prévisible, le monstre multipliant les victimes à coups d’envoûtements et de visions cauchemardesques. Le tout conduisant nécessairement au plumard, où pulsion sexuelle et pulsion de mort se confondent dans un grotesque bain de sang.

Sans renouveler quoi que ce soit, ni vraiment parvenir à dépasser les clichés du genre qu’il exploite, Adrien Beau livre néanmoins une belle proposition de folk horror, prenant plaisir à renouer avec la saveur impérissable des vieux contes : ces vieilles légendes qui, comme une maladie, se transmettent de bouche en bouche, de morsure en morsure… jusqu’à contaminer le monde entier.

Clément Massieu