Après Ondine, le réalisateur germanique Christian Petzold nous propose encore un très beau film sur les sentiments avec son nouvel opus : Le ciel rouge.

Léon (Thomas Schubert) et Félix (Langston Uibel) partent un été s’isoler dans une maison au bord de la mer baltique qui appartenait au père de Félix décédé il y a 6 ans. Léon, jeune écrivain, doit finir son roman alors que son ami prépare un dossier de candidature pour entrer aux beaux-arts. Mais lorsqu’ils arrivent, surprise, la maison n’est pas vide. Nadja (Paula Beer), invitée par la mère de Félix y a aussi établi ses quartiers d’été. Le film explore alors comment se développent les relations entre les trois jeunes gens, auxquels s'ajoute un quatrième personnage, Devid (Enno Trebs), maître-nageur sauveteur sur la plage toute proche.

Le réalisateur s’attache au regard de Léon, qui, bien qu’il passe du temps en retrait à observer les autres, ne semble pas saisir grand-chose de ce qui se passe autour de lui. Alors qu’en tant qu’écrivain on pourrait le penser fin observateur, il semble toujours avoir un temps de retard. Les évènements le contrarient souvent :  panne de voiture, bruits qui gênent sa concentration, sollicitations de son entourage. Il dit vouloir travailler sur son roman, mais ne s’en donne pas les moyens. Malgré son attirance pour Nadja, il ne saisit pas toutes les opportunités de rapprochement que celle-ci lui offre. En clair, il reste dans sa bulle et ne semble pas s’engager pleinement dans l’environnement qui l’entoure, préférant s’échapper que participer. De la même façon qu’il n’est pas attentif aux personnes, il ne l’est pas non plus à la nature, secouée par un incendie qui tend à se rapprocher de la maison.

D’ailleurs ces feux, personne ne semble vraiment y prêter attention, minimisant sans cesse le danger malgré des signes évidents, tels que le passage d’avions et/ou d’hélicoptères bombardiers d’eau au-dessus de la maison, les panneaux d’alerte sur la route et les annonces des pompiers. Chacun est ici plus préoccupé par ses petites affaires amoureuses ou liées au  travail.

Alors de quoi parle le film ? Peut-être aborde-t-il un certain nombrilisme, un manque d’ouverture aux autres où les préoccupations à court terme occupent tout l’esprit. Peut-être parle-t-il de la fin d’un monde, brûlé par l’incendie, voire des deux thèmes entrelacés dans un microcosme où les relations se nouent, se dénouent, s’étirent et se brisent, le tout soutenu par des dialogues précis et fluides (mis à part une blague de Devid qui rompt le rythme par sa longueur). Le long-métrage aborde sans doute plus largement et métaphoriquement l’aveuglement des hommes qui génèrent un dérèglement climatique à l’origine de catastrophes naturelles. Christian Petzold réussi alors comme dans chacun de ses films à rendre l’intime universel. Le sujet pourrait enfin porter sur la place de l’écrivain, et plus généralement celle de l’auteur à travers les clichés photographiques que Felix prend sur la plage pour son dossier et la discussion avec l’éditeur, Helmut (Matthias Brandt), venu contrôler l’avancée du travail de Léon.

Le film devient alors une sorte de nouveau conte moral, le réalisateur faisant lui-même référence à La collectionneuse d’Éric Rohmer. Au final, il s’agit d’une histoire que Léon est en train d’écrire, un nouveau récit que la jeune génération devra elle-même construire pour faire face à une situation encore jamais explorée par les anciens habitants de notre planète.

Laurent Schérer