« Plus on est de fous plus on rit » dit le proverbe. Pourtant la folie de Mimi suffit à elle toute seule à nous faire apprécier Sur la branche, le second film de Marie Garel-Weiss après La fête est finie sorti en 2017. En effet, Daphné Patakia, dans une interprétation hors du commun, incarne un personnage à la marge, « psychiatriquement atteint », qui de ce fait n’a pas peur de dire ce qu’elle ressent ni d’échapper aux conventions.

Au début du film on la découvre fraîchement sortie d’un établissement de soins, sollicitant un travail dans un cabinet d’avocat. Avant son internement elle s’était présentée au barreau mais n’avait pu exercer, sa maladie l’ayant rattrapée. Elle est alors chargée par Claire (Agnès Jaoui) de récupérer un dossier chez Paul, son ancien mari et associé (Benoit Poelvoorde), qui a été lui aussi mis hors course dans des circonstances pas toujours très claires. La paire fera alors un bout de chemin ensemble pour résoudre une affaire tombée du ciel.

Ce qui fait l’intérêt du film c’est d’abord la qualité de l’interprétation de Daphné Patakia qui donne de l’épaisseur à son personnage, le rendant vraiment attachant. Elle a su rester en équilibre dans un rôle où il aurait été facile de surjouer ou de sombrer dans un délire grotesque. Rendue ainsi, la folie de Mimi la fait parfois apparaître plus sensée que certains des personnages qui l’entourent. Cependant, certaines séquences la renvoient bien à son statut de folle pour qui les limites ne sont jamais atteintes, en particulier une scène jubilatoire ou Mimi déclame qu’il ne peut rien lui arriver puisqu’au final on la jugera irresponsable de ses actes.

Ensuite, le film s’interroge justement à plusieurs reprises sur notre responsabilité et les conséquences de nos actes, ce qui est de l’ordre des convenances, et ce qui de l’ordre des conventions sociales. Quel est la part de la raison ou de l’inconscient dans nos choix ? Si l’on ne fait pas les choses, est-ce parce qu’on ne le veut pas, le peut pas ou le doit pas ?

Et au final c’est la qualité intrinsèque de la comédie qui permet au spectateur de rire tout au long du film grâce à des répliques percutantes et un comique de situation, ou plutôt, devrait-on dire, de circonstances, très travaillé. Quant au casting de choix, car en plus de Daphné Patakia déjà citée et dont le regard transperce en continu ses partenaires à l’écran, nous remarquons Benoît Poelvoorde, très bon comme à son habitude dans ce genre de personnage fatigué de la vie, Raphaël Quenard en petit escroc minable, ainsi qu’Agnès Jaoui en femme indécise, l’excellent jeu des acteurs, donc, participe tout autant au succès de ce long métrage.

Bref, Marie Garel-Weiss fait par sa comédie la démonstration par l’absurde que nos vies ne tiennent finalement que par un fragile équilibre, un subtil dosage qu’il convient de trouver et de respecter pour vivre sereinement, s’ouvrir au monde extérieur ou se réinventer, si le besoin s’en faisait sentir.

Laurent Schérer