Le documentaire Au cimetière de la pellicule du réalisateur guinéen Thierno Souleymane Diallo est à la fois passionnant et instructif. Le cinéaste se met en scène en la personne de Thierno qui part à la recherche de Mouramani, un court métrage réalisé en 1954 par Mamadou Touré. Ce film serait le premier tourné par un noir d’Afrique francophone.

Les recherches de Thierno débutent en Guinée, dans ce qui fut autrefois la cinémathèque, puis le mènent dans d’anciennes salles de cinéma ainsi que chez des vendeurs de DVD. Son enquête le conduira même jusqu’à Bois d’Arcy dans les réserves réfrigérées du CNC où est contenu le patrimoine cinématographique français. Retrouvera-t-il le film ou pas ? Vous aurez la réponse dans ce long-métrage pas comme les autres.

En plus du résultat de sa quête, le réalisateur nous fait part de la déplorable situation de l'exploitation des films dans son pays, où seules trois salles de cinéma sont encore en fonctionnement aujourd'hui. Il met en évidence l'importance des archives pour une société et souligne la volonté des régimes totalitaires de les détruire, en l'occurrence ici celui de Sékou Touré, sous lequel les Guinéens ont vécu pendant quarante ans sous une dictature.

Le cimetière de la pellicule est donc un film sur les enjeux de la mémoire, la préservation et la transmission de celle-ci.

Thierno Souleymane Diallo traite son sujet d’une façon humoristique, le réalisateur a ainsi décidé de marcher pieds nus pendant toute la durée de ses recherches, le cinéma se faisant d’après lui avec des bras et un cerveau. Mais il sait aussi fait preuve de beaucoup de sérieux car l’enquête menée s’avère longue, minutieuse et difficile. Pour la mener à bien, le cinéaste nous fait visiter des lieux et rencontrer des personnages, qui, mis bout à bout nous racontent l’histoire du cinéma guinéen. Il détaille les conditions d’apprentissage des étudiants en art, rencontrant des étudiants de l’université des arts de Guinée de Dubreka, il nous parle des tournages (fort peu nombreux, vous verrez pourquoi !) et nous raconte les conditions d’exploitation des films au cours des dernières décennies.

Bref un documentaire instructif et passionnant sur la condition du cinéma guinéen.

Laurent Schérer