Si Fifi de Jeanne Aslan et Paul Saintillian est une réussite, cela est très certainement dû en grande partie à l’excellent jeu des acteurs principaux, Céleste Brunnquel et Quentin Dolmaire. En effet, en interprétant Sophie, surnommée Fifi, et Stéphane, ils font preuve d'une grande finesse, nous offrant des personnages sensibles et attachants. Fifi est une adolescente de quinze ans issue d’un quartier défavorisé de Nancy tandis que Stéphane est un étudiant de vingt-trois ans en école de commerce.  

Sophie rencontre Jade, une amie d’école, perdue de vue depuis leur scolarisation dans des établissements différents. Invitée, elle vole sur un coup de tête les clefs de la maison de Jade dont les occupants vont partir en vacances. Mais Fifi est surprise par Stéphane, le frère ainé de Jade qui, lui, rentre chez ses parents. Qu’à cela ne tienne, les deux s’entendent pour une cohabitation dans la maison.

Le scénario très écrit fait preuve d’un réel souci de vraisemblance. La rencontre est initiée dans un contexte crédible. Les réactions des personnages semblent naturelles en fonction de leur caractère, et la suite des événements s’enchaine en toute logique. Pourtant, et paradoxalement, le suspense est au rendez-vous et l’on s’inquiète pour le devenir de ces personnages. Car loin d’être des stéréotypes, Fifi et Stéphane sont des êtres en quête d’eux-mêmes, aptes à s’enrichir de leurs expériences. Les deux se cherchent et se trouveront peut-être. Ils donneront un sens à leur vie, chacun de leur côté ou ensemble, en fonction de leurs désirs.

C’est le cadre de vie de Fifi qui est le plus mis en avant contrairement à celui de Stéphane qui est facilement devinable en visitant la maison de ses parents bourgeois. Fifi, donc, vit en HLM entre une mère démissionnaire et un beau-père porté sur la boisson avec ses nombreux frères et sœurs, sans compter une petite nièce. On est dans un quartier de Nancy qui n’est pas caricaturé comme un quartier du nord de Marseille, mais qui néanmoins respire la pauvreté, la promiscuité, le bruit et le délabrement immobilier. Il est difficile de s’extraire d’un tel environnement, au sens propre comme au figuré. On comprend alors facilement le geste de Fifi qui recherche un endroit calme ou elle pourra respirer. Stéphane de son côté, ne se sent pas non plus très à l’aise. Le commerce ne le passionne pas tant que cela. Si Fifi veut squatter sa maison, pourquoi pas, pourvu qu’elle ne le dérange pas. Les deux personnages ont finalement en commun, malgré leur différence d’âge, une grande sensibilité et une certaine fragilité. En effet, aucun des deux ne se sent en phase avec son environnement et n’a une vision très claire de son avenir.

Les réalisateurs nous proposent donc un récit d’apprentissage, au croisement du documentaire pour le réalisme de son cadre, du film romantique pour son histoire d’amitié et plus si affinité, et du film estival pour la langueur de ses protagonistes. Sans oublier un petit côté conte de fées pour ses moments magiques en suspension.

Bref, un film charmant au sens propre du terme, délicat, sensible et drôle. À ne pas rater.

Laurent Schérer