Après A girl at my door, la cinéaste coréenne July Jung nous offre avec About Kim Sohee un nouveau film glaçant. Kim Sohee (Kim Si-eun) étudie en lycée professionnel, à ce titre elle doit valider un stage en entreprise. Son professeur lui propose d’intégrer un centre d’appel, lui présentant ce stage comme une récompense pour ses efforts. Mais arrivée sur place, la jeune Kim Sohee déchante vite.

Le film se déroule en deux chapitres, tous deux prenant place sous une lumière hivernale et des tons froids, en phase avec la tonalité du long-métrage. Dans le premier, nous suivons Kim Sohee et ses débuts dans l’entreprise, dans le second, après un drame dans le centre d’appel, nous suivons Yoo-jin (Doona Bae) une inspectrice de police déterminée à se battre pour lever le voile sur les errances du système. Pour étayer son propos, la réalisatrice va jouer avec les cadres. En effet, dans la première partie, caméra à l’épaule, elle fait progressivement disparaitre Kim Sohee dans le champ, en la filmant de plus en plus loin, tandis que dans la seconde, par un processus inverse, et dans un cadre fixe, l’inspectrice devient de plus en plus présente à l’image, parallèlement à son implication dans le récit.

Résolument politique, le propos du film dénonce clairement un système qui écrase ses salariés, en prenant appui sur l’histoire de Kim Sohee, « tirée d’une histoire vraie ». Si la communication n’est pas le fort de sa famille, elle ne fait aucunement partie de l’ADN d’un centre d’appel. En effet, tout le personnel est sous pression parce qu’il faut faire du chiffre. Depuis la petite stagiaire à qui on demande des objectifs hors de portée et sur le salaire de laquelle on rogne quand ceux-ci ne sont pas atteints, jusqu’aux gérants des centres d’appel de qui on exige le maximum de résultats (sous-entendu d’arnaques de clients), en passant par les managers pris entre marteau et enclume, qui sont bien obligés de faire appliquer une méthode programmée pour générer à court terme plus de profits au détriment des salariés et des clients.

Mais le constat ne s’arrête pas là puisque la réalisatrice dénonce aussi ceux qui entretiennent le système, à savoir l’éducation nationale qui obéit à ces mêmes lois du chiffre, ou bien la police qui n’a ni la volonté ni les moyens d’enquêter sur les conditions de travail des salariés qui subissent des techniques managériales totalement illégales.

About Kim Sohee est un film engagé, la réalisatrice mettant la fiction au service d’une envie de changement social afin que des drames semblables à celui décrit dans le film ne se reproduisent pas.

Laurent Schérer