On s’interroge parfois sur la pertinence des « films familiaux » qui n’intéressent finalement que la famille dont ils sont issus. Femme de mère en fille de Valérie Guillaudot n’est pas de ceux -ci. En effet, la réalisatrice prend appui sur la vie de sa famille durant quatre générations pour suivre l’évolution de la place des femmes dans le cercle intime et dans la société durant plus d’un siècle.

Si la réalisation d’un point de vue formel est tout à fait classique : utilisation d’images d’archives fixes ou animées, sans oublier les commentaires de la réalisatrice en voix off, il est à noter la participation tout au long du documentaire de l’historienne Michelle Perrot. Celle-ci donne au fil des images un avis circonstancié sur les documents que la réalisatrice lui présente, élargissant et enrichissant le propos.

La réalisatrice présente ainsi des témoignages sur sa grand-mère Marie née en 1902 et sa mère Odile. Elle interroge aussi ses propres souvenirs sans oublier de questionner sa fille adolescente.

Cette recherche révèlera d’ailleurs certaines surprises comme lorsque l’image qu’elle se faisait de sa mère, celle d’une personne rigide et conformiste, ne tient pas face à la réalité des faits. La cinéaste s’interroge alors sur la vraie nature de sa mère. Celle d’avant ou celle d’après sa naissance ?  Pourquoi a-t-elle finalement décidé d’être mère alors qu’elle ne voulait pas d’enfants ?

On appréciera aussi des discussions prises sur le vif de proches (famille ou amis) qui, en apportant une certaine fraîcheur et une actualisation du thème, conversent autour de l’émancipation des femmes par le biais entre autres de la répartition des tâches domestiques dans la famille.

On peut citer par exemple l’anecdote d’une des amies de la réalisatrice, qui, arrivant chez un couple dont la propreté du logis est sujette à caution, se dit : « elle n’a pas bien fait le ménage » et se demande ensuite : « pourquoi ai-je pensé « elle » ? L’homme est autant responsable de la propreté des lieux... »

Long-métrage nullement démonstratif qui dépasse le simple témoignage, la réalisatrice a su doser finement les séquences afin de garder intacts la curiosité et l’intérêt du spectateur.

Un film plaisant à regarder qui montre que l‘émancipation féminine est un combat permanent à mener dans les têtes des hommes et des femmes trop souvent conditionné.e.s par une culture patriarcale dont il semble difficile de s’extirper.

Laurent Schérer