Nous étions jeunes de Binka Zhelyazkova narre l’histoire d’un groupe de résistants bulgares à l’occupation nazie. La réalisatrice fait dans ce film engagé le portrait d’une génération dont la jeunesse a été volée par la guerre.

Sofia 1941, la Wehrmacht pénètre sur le sol bulgare à la suite des accords entre les nazis et Boris III, le tsar de Bulgarie. Mais la jeunesse communiste entre alors en résistance et fomente des attentats contre les troupes nazies. La réalisatrice va se focaliser sur Dimo qui a quitté ses études et sa famille pour se consacrer à ses missions, et Veska une jeune chimiste, employée dans une imprimerie.

Il est tentant de comparer ce film avec Kanal, d’Andrzej Wajda, tourné quatre ans plus tôt, qui retrace les derniers instants de l’insurrection polonaise. Cependant s’ils se ressemblent par leurs thématiques, révolte, doutes, amours impossibles, ils diffèrent quant à leur symbolique. Primé à Cannes, le film de Wajda est  métaphorique d’une lutte contre les troupes du « grand frère » soviétique à la différence du long-métrage de Binka Zhelyazkova qui recevra à Moscou l’année de sa sortie le « prix en or », le jury ayant certainement été sensible à la résistance au nazisme glorifiée par le film.

Pourtant ce long-métrage n’est pas un film de héros. Les jeunes gens mis en scène sont souvent maladroits, tant dans l’accomplissement de leur mission que dans leurs amours. C’est le passage de ces jeunes gens à l’âge adulte qui est visiblement la préoccupation de la cinéaste, qui, en leur apportant de l’épaisseur, rend ses personnages touchants.

Mais c’est surtout dans son usage de la technique cinématographique qu’excelle Binka Zhelyazkova. Dans une esthétique parfois proche de l’expressionnisme, utilisant largement les faisceaux lumineux dans la nuit de Sofia, on pense en particulier aux splendides ballets des lampes de poche, la réalisatrice magnifie les décors d’une ville dans laquelle les ruines sont métaphoriques des obstacles que devront franchir les jeunes gens. Utilisant de nombreux mouvements de caméra, la réalisatrice élargit ses plans sur de magnifiques panoramas de la ville, découverte du haut de la terrasse de l’immeuble de Veska, avant de se recentrer sur les visages quand ils trahissent les sentiments des protagonistes.

Bref, un film à découvrir pour enrichir sa cinéphilie.

Laurent Schérer