Petites de Julie Lerat-Gersant raconte l’histoire de Camille, une jeune fille de seize ans placée en foyer après une tentative d’avortement ratée. La réalisatrice suit alors son parcours jusqu’à son accouchement. Elle raconte l’intégration de Camille dans son nouvel environnement ainsi que l’évolution de ses rapports avec sa mère Clo (Victoire du Bois) qu’elle voit épisodiquement. On la découvre aussi dans ses relations avec Mehdi (Bilel Chegrani) le père de l’enfant à naître.

L’histoire se développe sur plusieurs axes dramatiques qui se croisent.  En effet, cette grossesse va rappeler à Camille son enfance, les liens qu’elle a pu créer avec sa mère alors que son père était absent. Surtout le contact avec d’autres jeunes filles, elles aussi enceintes, où déjà mères, vont lui permettre d’affiner sa réflexion sur son avenir et celle de son futur enfant. Elle avait souhaité ne pas le garder, mais à présent va-t-elle accoucher sous X fonder une famille ? Mehdi, le père, cherche sa place. Même s’il a l’air un peu dépassé par les événements, il l’épaule volontiers.

Julie Lerat-Gersant filme donc au plus près cette évolution passant d’une jeune fille écorchée vive à un personnage beaucoup plus mature et responsable, sans toutefois que toutes les difficultés aient été aplanies ni que les traumatismes de l’enfance aient été totalement effacés. Camille mûrit, prend de la distance, sans pour autant rompre avec sa mère. C’est donc cette évolution que la réalisatrice nous donne à voir.

Ce premier long métrage est particulièrement remarquable par la justesse du propos et des situations. Si le projet est une pure fiction jouée par des actrices professionnelles, l’écriture a été travaillée d’une façon si rigoureuse que nous avons par moments l’impression d’être dans un documentaire. En effet, l’idée de ce scénario a germé dans l’esprit de Julie Lerat-Gersant lorsqu’elle a donné des ateliers d'écriture dans un centre maternel qui accueillait des jeunes filles enceintes et des jeunes mères. Elle a ensuite travaillé à quatre mains avec son compagnon François Roy, et ces écrits ont été soumis à de véritables résidentes de foyer ainsi qu’à des professionnels encadrants.

Si la réalisatrice suit Camille au plus près, elle nous donne aussi à voir de magnifiques personnages secondaires parmi les accompagnants. En premier lieu, Nadine (Romane Bohringer) l’éducatrice référente de Camille qui lui permet de trouver un cadre dans lequel évoluer. Mais nous avons aussi ses colocataires, sa mère et le père de l’enfant, des personnages travaillés qui font que l’histoire d’une Camille peut résonner avec son entourage.

On doit souligner ici la qualité de l’interprétation : une fois le scénario mis au point, la réalisatrice a réussi à trouver des actrices qui allaient accepter un tournage compliqué en raison de la présence d’enfants en bas âge, auxquels on ne peut demander qu’une heure de travail par jour au maximum. Romane Bohringer s’avère ainsi parfaite dans son rôle d’éducatrice investie, mais fatiguée par ce métier usant. Pili Groyne est plus qu’excellente dans le rôle de Camille. Enfin, mention spéciale à Suzanne, la fille de la réalisatrice, qui joue la petite Diana dont la maman Alison (Lucie Charles-Alfred) est l’une des résidentes.

Quant à l’espace scénique souvent limité aux quatre murs du foyer, il est sublimé par la cheffe opératrice Virginie Saint-Martin qui fait preuve d’une virtuosité sans égale dans le rendu des scènes d’intérieur.

Petites est un premier long-métrage très réussi, qui, au lieu de rejeter ou mépriser les personnes à la marge, montre au contraire leur capacité à faire fi du déterminisme social.

Un très beau film.

Laurent Schérer