Le piège de Huda du réalisateur palestinien Hany Abu Assad est un film inspiré de faits réels qui vous fera presque autant transpirer que ses protagonistes soumis à la torture, au propre comme au figuré. En effet, dans ce terrible film d’espionnage Reem (Maisa Abd Elhadi), une jeune mère palestinienne, se voit à la suite d’un chantage devoir travailler pour les services secrets israéliens... et palestiniens. Mais, quel que soit son choix, la mort risque d’être au rendez-vous pour elle et sa famille.

Le film est intéressant d’une part par les enjeux de son scénario, mais aussi par ce que ce film dit de la place de la femme dans la société palestinienne. En effet, rien de cela n’aurait pu arriver si le motif du chantage, une accusation d’adultère, avait été considéré comme moins grave.  En d’autres lieux, et sous d’autres mœurs, la victime aurait pu mettre au grand jour cette escroquerie et se plaindre de son maitre-chanteur. Mais cette possibilité étant ici impossible à envisager pour Reem, le thriller politique peut alors démarrer.

Alors qu’elle est venue se faire coiffer dans le salon d’Huda, celle-ci la drogue, et, aidée par un complice, la dénude et la prend en photo avec un « modèle » dans le plus simple appareil. À son réveil, le ciel tombe bien évidemment sur la tête de Reem. Il s’ensuit alors une quête angoissante pour la jeune femme pour sauver son honneur, sa peau, et sa famille, quête d’autant plus incertaine qu’Huda, agente au service d’Israël, sera démasquée et interrogée par les services secrets palestiniens. La séquence d’interrogatoire entre Huda (impressionnante Manal Hawad) et Hasan (Ali Suliman) vibrante d’intensité, est d’ailleurs à elle seule une raison d’aller voir le film. Ne pouvant compter sur l’aide de son mari, un jaloux maladif, Reem doit se débrouiller seule et fait alors preuve d’une force de caractère qu’elle ne soupçonnait pas elle-même.

Sous le couvert de cette folle histoire, le film s’interroge sur la trahison et le statut de victime. Reem est victime des machinations d’Huda. Mais Huda n’est-elle pas elle aussi une victime de ceux qui l’on recrutée ? À quel moment la victime devient-elle bourreau ? Reem ne risque-t-elle pas non plus de basculer du côté obscur ? Et quelles sont les réelles motivations d’Hasan ? On peut y voir alors une réflexion plus générale, tant sur la politique israélienne que palestinienne et même au-delà. Au final, qu’est-ce qui est prioritaire : sauver sa vie, celle de sa famille, celle de sa communauté, ou ses principes ? Dans ces moments de crise, n’est-on pas prêt à renier et fouler aux pieds tout ce pour quoi on a vécu, au risque de se sentir ensuite coupable ? Le piège de Huda est un film beaucoup plus complexe qu’il n’en à l’air, l’intrigue se densifiant au fur et à mesure des séquences, le spectateur toujours et jusqu’au bout tenu en haleine. On notera que cette magie est surement due aussi à la direction d’acteur au regard de la prestation unique de  Maisa Abd Elhadi qui crève l’écran.

Un film à ne pas rater.

Laurent Schérer