16 ans de Philippe Lioret (le réalisateur de Je vais bien ne t’en fais pas et de Welcome) est un film riche au regard des thématiques développées, le long-métrage abordant aussi bien la naissance du sentiment amoureux entre deux adolescents que le déterminisme social où l’absence de communication dans nos sociétés. Le réalisateur nous donne à voir une société dans laquelle beaucoup s’écoutent parler mais où personne ne s’entend. Pour marquer ce thème, la première séquence se déroule dans une classe dans laquelle, selon les dires même du personnage principal féminin Nora (Sabrina Levoye), il y a trop de bruit. Et tout le reste du film est à l’avenant. Personne n’écoutant personne, cela ne peut conduire qu’à des drames, car lorsque chacun campe sur ses positions, celles-ci se raidissent jusqu’au point de rupture.

Au sortir du collège, Léo, un grand ado timide (Taïlo Azaïs), intègre le lycée public, au grand regret de ses parents qui auraient voulu l’inscrire dans un établissement privé. Mais bon, Léo ne pense pas qu’aux études. D’ailleurs il remarque très vite Nora. Le problème c’est qu’ils ne sont pas du même monde. Le père de Léo est le gérant de la grande surface de la ville et Nora est « de la cité ». Lorsque le père de Léo licencie Tarek, le frère de Nora, la liaison entre les deux jeunes gens est vécue par chacune des familles comme une trahison. La tension monte en parallèle avec l’incompréhension, la violence finira par s’installer.

Ce qu’il y a d’intéressant dans cette adaptation moderne de Roméo et Juliette c’est que le réalisateur nous en offre une vision élargie. Car il ne s’agit pas simplement d’une embrouille entre deux familles (comme dans la pièce de Shakespeare) ou d’une rivalité entre deux gangs (comme dans West side story). Quand le père de Léo subit ce qu’il vient d’infliger à son employé, on a bien la démonstration de la présence d’un problème systémique, les forts écrasant les plus faibles. Et l’on trouve toujours plus fort que soi.

Cependant les deux adolescents pensent pouvoir, grâce à leur amour, échapper à cette spirale de violence. À cet âge, rien n’est impossible et l’amour est éternel. On les suit donc avec tendresse mais à regret marcher vers leur destin. On donnera une mention spéciale au jeu magnifique des deux personnages principaux, à savoir Sabrina Levoye en jeune fille amoureuse et à Taïlo Azaïs en jeune homme timide et épris, car leur jeu tout en délicatesse mais néanmoins passionné renforce le réalisme du film. Ces deux-là nous offrent de très belles scènes comme celle de leur première rencontre ainsi que dans les séquences suivantes où leur amour éclot et grandit. Il faut également souligner le travail d’orfèvre de Gilles Henry, le directeur de la photographie qui a su capter ces moments alors même que les décors et la lumière ne s’y prêtaient pas forcément.

Bref, une belle histoire d’amour tragique, une transposition réussie du thème de Roméo et Juliette, une nouvelle réalisation de Philippe Lioret à ne pas manquer.

Laurent Schérer