Jacky Caillou est un très beau film fantastique français, espèce assez rare qu’il convient de saluer ici. Pourtant ce film ne présente rien de bien terrifiant, au moins dans ses premières séquences. En effet, le premier long métrage de Lucas Delangle n’utilise pas d’effets spéciaux inutiles, de jump cut ou de musique assourdissante. Son caractère fantastique, il le tire plutôt d’une atmosphère rendue prégnante par le jeu des personnages, leurs expressions, leur manière d’utiliser leurs mains qui sont ici source de guérison. De plus, ce qui est fort agréable, la narration obéit à une logique interne qui apporte au film une réelle cohérence.

Jacky (Thomas Parigi), orphelin de père et de mère, est le petit-fils de Gisèle (Edwige Blondiau), une magnétiseuse dont la maison est située à l’écart d’un village proche des gorges du Verdon. Celle-ci vaque à ses affaires de magnétisme, recevant les personnes qui lui en font la demande. Mais un jour elle rencontre des difficultés à soigner une nouvelle patiente, Elsa (Lou Lampros), une jeune fille atteinte d’un mal étrange. « Elle me cache quelque chose », signale-t-elle à son petit-fils, « et sans confiance on ne peut pas soigner correctement ». C’est le moment où Jacky reçoit de son aïeule ses premières leçons de magnétisme, s’essayant au départ sur des animaux. Peu après la grand-mère meurt alors qu’elle partait au ramassage d’orties. Sans doute avait-elle senti que sa fin était proche et qu’il était temps de transmettre son savoir. Jacky prend alors sa succession, et même si dans les premiers temps il n’a pas trop confiance en lui, il décide de soigner Elsa dont il est tombé amoureux.

On s’attache rapidement à tous les personnages. Le réalisateur sait vraiment y faire pour croquer en quelques plans des portraits réalistes des habitants de ce village, qui sont pour la plupart des non-professionnels. Voisins et/ou amis semblent vivre en harmonie. Cependant l’irruption d’un loup dans la vallée va rompre cet équilibre. En effet, de nombreuses bêtes ayant été égorgées, l’animal va faire consensus contre lui à l’exception de Jacky pour qui ses dons de magnétiseur vont de pair avec la volonté de soigner tout être vivant.

Le film traite finalement de beaucoup de sujets. Le rapport à la nature, bien sûr, de la différence et de la tolérance, des relations entre les membres d’une communauté, de l’écoute mutuelle, de l’apprentissage, de la confiance en soi. Jacky Caillou nous fait aussi prendre conscience que certaines choses nous dépassent dans notre rapport à la nature. Enfin, le film nous pose la question de ce qui est acceptable ou non, et du périmètre du soin. Jusqu’où peut-on « soigner » un être. N’est-il pas illusoire de sauver quelqu’un contre sa volonté ? « Il n’y a pas de miracle » a enseigné Gisèle à son petit-fils. En effet le miracle n’est-il pas un acte « contre nature ? ». Mais malgré ses efforts, son énergie et sa bonne volonté Jacky n’obtiendra pas toujours les résultats escomptés.

Un film tout en nuances, nullement manichéen, qui incite à une réflexion sur la place de l’homme parmi les êtres vivants et son rôle dans l’équilibre écologique.

Laurent Schérer