Harka est un film terrible sur la société tunisienne contemporaine.

Le réalisateur Lotfy Nathan s’attache ici au parcours d’Ali, un jeune homme pauvre dont tous les efforts pour s’en sortir se heurtent à des obstacles infranchissables. Porté par la magnifique interprétation d’Adam Bessa, ce portrait universel décrit la désespérance de millions de Tunisiens qui se sentent impuissants parce qu’ils ont l’impression d’avoir tout essayé, y compris la révolution, mais sans réussir à faire bouger les choses.

Vivant de la revente d’essence de contrebande, Ali habite dans une maison en construction depuis qu’il a quitté le logement familial. Alors qu’il économisait dinar après dinar dans l’espoir de réunir la somme nécessaire pour payer son passage vers l’Europe, il voit son projet s’éloigner car il doit s’occuper de ses deux jeunes sœurs depuis la mort de son père et le déménagement de son frère embauché au loin.

Alors que la maison familiale va être saisie en raison des dettes paternelles, il demande de l’aide autour de lui. Mais personne ne peut lui donner le travail dont il aurait besoin. Les autorités administratives font la sourde oreille, quant à la police, c’est pire puisqu’il est racketté par les agents qui lui laissent vendre son essence. Il lui reste alors le choix d’encore plus d’illégalité pour survivre, mais même cette option s’avère être un leurre.

Cette fiction réaliste aux frontières du documentaire, décrit une société tunisienne dans une impasse totale, surtout pour ceux qui comme Ali ne savent pas parler français et à peine écrire. Tourné à Sidi Bouzid, le lieu de l’immolation de Mohamed Bouazizi qui fut à l’origine de la révolution tunisienne, ce film désespéré et désespérant est un véritable coup de poing à l’estomac.

Laurent Schérer